de dérision. Car nous sommes en spectacle immonde, aux anges et aux hommes[1] ; aux anges qui nous bénissent ; aux hommes qui nous méprisent, ou plutôt aux anges qui nous bénissent et qui nous blâment, comme aux hommes qui nous blâment et qui nous bénissent tour à tour. À droite et à gauche, nous avons des armes avec lesquelles nous combattons dans l’honneur et l’ignominie, par la bonne et par la mauvaise renommée, comme des séducteurs, quoique sincères[2]. Ce sont les anges, ce sont les hommes qui pensent ainsi ; parmi les anges, en effet, il en est de saints auxquels nos bonnes œuvres sont agréables ; il est aussi des anges prévaricateurs, auxquels déplaît une vie sainte ; et parmi les hommes, il en est de saints qui applaudissent à notre vie ; comme il en est de très méchants qui la tournent en dérision. Ce sont là des armes d’une part, et des armes d’autre part ; les unes à droite, les autres à gauche ; et toutes sont néanmoins des armes ; je me sers de toutes ces armes, et de celles de droite et de celles de gauche, et de ceux qui me louent et de ceux qui me blâment, et de ceux qui m’honorent, et de ceux qui me navrent d’ignominie. Avec ces deux sortes d’armes, je livre un combat au diable, je le frappe des unes et des autres : dans la prospérité, si je ne me laisse point corrompre, et dans l’adversité, si je ne me laisse point abattre.
16. « Vous m’avez rendu l’opprobre de l’insensé. Je suis devenu sourd et n’ai point ouvert ma bouche »[3]. Mais vis-à-vis de l’insensé « j’ai été sourd et n’ai point ouvert ma bouche ». À qui dirais-je ce qui se passe en moi ? J’écouterai ce que le Seigneur Dieu dira en moi, car il dira des paroles de paix pour son peuple[4] ; mais « il n’y a point de paix pour l’impie », dit le Seigneur. « Je suis devenu sourd et n’ai point ouvert ma bouche. Car c’est vous qui m’avez fait ». C’est donc parce que c’est Dieu qui t’a fait que tu n’as pas ouvert la bouche ? C’est étonnant. Car le Seigneur n’a-t-il pas formé ta bouche pour la parole ? « Celui qui a planté l’oreille n’entend-il point ? Celui qui a fait l’œil ne voit-il point ? »[5] Le Seigneur t’a donné une bouche pour parler, et tu dis : « Je suis devenu sourd et n’ai point ouvert ma bouche : parce que c’est vous qui m’avez fait ? »[6] ou bien : « Parce que c’est vous qui m’avez fait », appartiendrait-il au verset suivant ? « Parce que c’est vous qui m’avez fait, détournez de moi vos vengeances »[7]. Parce que c’est vous qui m’avez fait, ne m’anéantissez point : ne me frappez que pour me faire avancer, non pour me faire succomber. Frappez-moi seulement pour m’étendre, non pour me réduire. « Parce que c’est vous qui m’avez fait, détournez de moi vos châtiments ».
17. « J’ai succombé sous le poids de votre main, quand vous m’avez corrigé ». C’est-à-dire, j’ai succombé sous le châtiment. Et toutefois, qu’est-ce que le châtiment de votre part, sinon ce qui suit : « Vous avez corrigé l’homme à cause de sa faute, vous avez fait sécher mon âme comme l’araignée ? » C’est là, chez Idithun, une haute pensée ; si l’on peut suivre cette pensée, s’élever à cette hauteur. Il dit qu’il a succombé sous les châtiments du Seigneur ; il demande que ces châtiments s’éloignent de lui, et le demande au Dieu qui l’a fait. Que celui qui l’a fait le refasse ; que celui qui l’a créé, le crée de nouveau. Toutefois, mes frères, pouvons-nous croire que ce soit sans raison qu’il a succombé, au point de vouloir une création nouvelle, une seconde formation ? « C’est pour son iniquité », dit-il, « que vous avez châtié l’homme ». Si j’ai succombé, c’est simplement parce que je suis infirme ; si je crie du fond de l’abîme, c’est simplement à cause de l’iniquité ; aussi m’avez-vous châtié, non pas condamné : « Vous avez corrigé l’homme à cause de son iniquité ». Écoute cela plus clairement dans un autre psaume : « Il est bon pour moi que vous m’ayez humilié, afin que j’apprenne à devenir juste devant vous »[8]. J’ai été humilié, mais c’est mon bien ; c’est un châtiment, mais aussi une grâce. Que peut donc me réserver après le châtiment celui qui fait du châtiment une grâce ? car c’est de lui qu’il est dit « J’ai été humilié, et c’était mon salut »[9] ; et : « Il m’est bon que vous m’ayez humilié, afin que j’apprenne à devenir juste. Vous avez châtié l’homme à cause de l’iniquité ». Et ce qui est écrit ailleurs : « Vous attachez la douleur à vos commandements »[10], n’a pu être dit à Dieu que par l’homme qui progresse,
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