Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/437

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aime un cocher, et il supportera les huées, si ce cocher est vaincu ; que ce cocher soit vainqueur, voici un manteau. Pour le misérable qui vient l’acclamer ? Non, le vêtement est pour le vainqueur, les huées pour celui qui applaudissait le vaincu. Pourquoi donc partager la confusion d’un homme dont tu ne partages point le manteau ? Il en est bien autrement dans nos spectacles. « Il est vrai », dit saint Paul, « que tous partent » dans votre lice, dans vos spectacles ; « mais un seul reçoit le prix »[1] ; les autres sont vaincus et s’en vont Ils ont persévéré à courir ; mais un seul ayant reçu le prix, il n’y a plus rien pour les autres qui ont également travaillé. Notre course est bien différente. Tous ceux qui prennent part à la course et persévèrent à courir, emportent le prix : le premier arrivé attend pour recevoir sa couronne avec les autres. Notre arène est en effet l’œuvre de la charité, non de la cupidité : tous ceux qui courent sont unis par la charité, et cette charité même la course.
12. « Vous n’avez voulu ni sacrifice ni offrande », dit à Dieu le Psalmiste. Dans l’ancienne loi, quand le véritable sacrifice connu des fidèles nous était annoncé par des figures, on célébrait alors les figures de l’avenir : beaucoup en comprenaient le sens, mais beaucoup plus encore l’ignoraient. Les Prophètes et les saints patriarches savaient ce que l’on célébrait ; mais le reste de ce peuple inique était charnel, au point de figurer lui-même les événements de l’avenir. Or, il arriva que le premier sacrifice fut aboli, que disparurent ces holocaustes de béliers, de boucs, de taureaux et d’autres victimes ; Dieu n’en voulut plus. Pourquoi n’en voulut-il plus ? Pourquoi d’abord en avait-il voulu ? Parce que tout cela n’était que comme une promesse de Dieu ; or, quand on a donné ce que l’on a promis, les paroles de la promesse ne sont plus rien. Un homme est engagé à sa promesse jusqu’à ce qu’il l’ait tenue ; quand il l’a accomplie, il change alors de langage. Il ne dit plus : Je donnerai, ce qu’il promettait de donner ; mais bien : J’ai donné ; l’expression est changée. Pourquoi cette expression a-t-elle été d’abord agréable à Dieu, et pourquoi l’a-t-il changée ? C’est que cette expression était celle de son temps, et qu’elle lui a plu selon l’époque. Elle était d’usage dans le temps des promesses, mais quand les promesses ont reçu leur accomplissement, alors les expressions promissives ont disparu pour faire place au langage de l’accomplissement. Donc, ces sacrifices, qui étaient le langage de la promesse, ont disparu. Qu’a-t-on donné pour les accomplir ? Ce corps que vous connaissez, mais que vous ne connaissez pas tous[2] ; et plaise à Dieu que vous, qui le connaissez, ne le connaissiez point pour votre condamnation ! Soyez attentifs, car c’est le Christ Notre-Seigneur qui parle, tantôt dans ses membres, et tantôt par lui-même ; voyez en quel temps il est dit : « Vous n’avez voulu ni des sacrifices, ni de l’offrande ». Qu’est-ce donc ? Sommes-nous présentement abandonnés sans sacrifice ? A Dieu ne plaise. « Vous m’avez donné un corps parfait ». C’était pour donner la perfection à ce corps que vous n’avez plus voulu de ces offrandes ; vous les avez agréées avant que mon corps fût parfait. L’accomplissement des promesses a supprimé le langage primitif. Si l’on emploie en effet les paroles de la promesse, c’est que cette promesse n’est pas accomplie. Cette promesse était exprimée par des signes ; les signes ont disparu quand s’est montrée la vérité promise. Nous sommes dans ce corps, nous en faisons partie ; nous savons ce que nous recevons ; et vous qui ne le savez pas encore, puissiez-vous l’apprendre, et quand vous l’aurez appris, puissiez-vous ne pas le recevoir pour votre condamnation ! « Car celui qui mange et boit d’une manière indigne, mange et boit son propre jugement »[3]. Ce corps est parfait pour nous, devenons parfaits dans ce même corps.
13. « Vous avez refusé le sacrifice et les oblations ; mais vous m’avez donné un corps parfait ; vous n’avez demandé pour le péché ni holocauste, ni sacrifice ; alors j’ai dit : « Me voici »[4]. Est-il besoin d’expliquer ces paroles : « Vous avez refusé le sacrifice et l’oblation ; mais vous m’avez donné un corps parfait. Vous n’avez demandé pour le péché ni l’holocauste, ni le sacrifice », qu’il demandait autrefois. « Alors j’ai dit : Me voici ». Il est temps que vienne la promesse, puisque les signes de la promesse vont disparaître. En effet, unes frères, voyez les uns abolis, l’autre accomplie. Que la nation juive me montre

  1. 1 Cor. 9,21
  2. Le saint Docteur désigne les Catéchumènes, qui ne connaissaient pas l’Eucharistie
  3. 1 Cor. 11,29
  4. Ps. 39,7-8