Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/436

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ses passions ; il demandait un vêtement pour un cocher, lui-même sera revêtu d’immortalité. Tels sont les jeux et les spectacles auxquels Dieu nous fait assister. Du haut du ciel, il nous crie : Je vous regarde ; combattez, je vous soutiendrai ; remportez le prix et je vous couronnerai. « Vous avez fait, Seigneur mon Dieu, de nombreuses merveilles ; et dans vos conseils nul ne peut vous ressembler »[1]. Vois maintenant un histrion. Il a mis tous ses soins pour apprendre à marcher sur une corde, il s’y suspend et se tient ainsi en suspens. Mais voyez Dieu qui vous donne de plus grands spectacles. Cet homme apprend à marcher sur une corde, en fait-il marcher un autre sur la mer ? Oublie donc le théâtre, et vois notre bienheureux Pierre, non plus un funambule, mais un mariambule, si je puis dire ainsi. À ton tour, marche aussi, non plus sur ces eaux de la mer, où la marche de Pierre était une figure, mais sur d’autres eaux, puisque ce siècle est une mer. Il a son amertume dangereuse, il a ses flots de tribulations, ses tempêtes de tentations : il a pour poissons des hommes qui paraissent heureux de leur malheur, et se dévorent mutuellement ; c’est là que tu dois marcher, c’est là ce que tu dois fouler aux pieds. Tu veux des spectacles, sois toi-même un spectacle. Ne perds point courage ; vois celui qui t’a précédé et qui te crie : « Nous sommes en spectacle à ce bas monde, et aux anges et aux hommes »[2]. Foule aux pieds la mer, afin de n’y être pas submergé. Tu n’iras, tu ne marcheras que sur l’ordre de celui qui le premier marcha sur la mer, comme le disait autrefois saint Pierre : « Si c’est vous, Seigneur, faites que j’aille à vous sur les eaux »[3]. Et comme c’était lui-même, il entendit sa prière, il exauça son désir, il l’appela sur les eaux, et le souleva quand il enfonçait. Telles sont les merveilles du Seigneur qu’il te faut contempler ; mais vois de l’œil de la foi. Fais toi-même ces merveilles ; car si les vents se déchaînent, si les flots se soulèvent, si la faiblesse humaine te fait désespérer de ton salut, tu as une prière toute préparée Seigneur, je péris. Si déjà tu marches sur la pierre, tu n’as pas à craindre sur les eaux ; mais si tu n’étais sur la pierre, tu serais englouti par les flots ; car il nous faut marcher sur ce rocher que ne recouvre point leur fureur.
10. Vois donc les merveilles du Seigneur. « J’ai annoncé, j’ai publié ces merveilles ; ils se sont multipliés à l’infini »[4]. Il y a un nombre d’élus, mais il y a au-delà de ce nombre. Il y a un nombre déterminé qui appartient à la Jérusalem céleste. « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui »[5]. Les chrétiens qui le craignent, les chrétiens fidèles, les chrétiens qui gardent ses préceptes, qui marchent dans les voies de Dieu, qui s’abstiennent du péché, qui confessent cour qu’ils ont pu commettre : ceux-là sont du nombre des élus. Mais est-ce tout ? Il y en a au-delà du nombre. Car, s’il y a peu d’assistants ici, peu en comparaison de cette foule des grandes assistances : quelles multitudes ne remplissent point parfois nos églises, n’en pressent point les murailles, ne se serrent point jusqu’à s’étouffer ? S’il y a des jeux publics, on les voit incontinent courir à l’amphithéâtre ; ceux-là sont au-delà du nombre, Mais nous parlons ainsi pour les faire entrer dans le nombre ; absents d’ici, ils ne peuvent nous entendre ; mais ils vous entendront quand vous en serez sortis. « J’ai annoncé » dit le prophète, « j’ai parlé ». C’est le Christ qui parle de la sorte ; il a prêché comme chef, il a prêché par ses membres, il a envoyé des prédicateurs, il a envoyé des apôtres. « Leur langage a été entendu par toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux confins de l’univers »[6]. Combien de fidèles s’assemblent à leurs paroles, combien accourent en foule ; beaucoup se convertissent en réalité, beaucoup ne le font que faussement ; la conversion réelle est pour le plus petit nombre, la fausse conversion pour le plus grand : car « ils se multiplient à l’infini ».
11. « J’ai annoncé vos merveilles, je les ai prêchées : ils se sont multipliés à l’infini. Vous n’avez voulu ni sacrifice ni offrande »[7]. Ce sont là les merveilles de Dieu, les desseins de Dieu à qui nul n’est égal ; il veut détourner de sa vaine curiosité cet amateur des spectacles, et lui faire chercher avec nous des spectacles plus saints, plus avantageux, qui donnent la vraie joie à ceux qui les trouvent ; et telle sera cette joie qu’il n’aura plus à craindre l’échec de celui qu’il aimera ; il

  1. Ps. 39,6
  2. 1 Cor. 4,9
  3. Mt. 14,28-31
  4. Ps. 39,6
  5. 2 Tim. 2,19
  6. Ps. 18,5
  7. Ps. 39,7