Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/453

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connaître par un morceau de pain[1], afin que l’on reconnût que c’était de lui qu’il était dit : Qui mangera mon pain ». Et quand Judas vint ensuite pour le livrer, il lui donna le baiser[2], afin de montrer que c’était lui que désignait cette parole : « L’homme de ma paix ».
12. « Mais vous, Seigneur, ayez pitié de moi »[3]. Il parle ici sous la forme de l’esclave, sous la forme du pauvre et de l’indigent. « Bienheureux celui qui comprend le pauvre et l’indigent[4]. Ayez pitié de moi, ressuscitez-moi, et je me vengerai d’eux ». Voyez quand s’est dite cette parole, maintenant accomplie. Les Juifs ont mis à mort le Christ pour ne point perdre leur patrie[5] ; et, après sa mort, ils la perdirent ; arrachés de leur royaume, ils furent dispersés. Le Christ, après sa résurrection, leur rendit la souffrance, et la rendit comme un avertissement, non point comme une condamnation. Cette cité dans laquelle tout un peuple frémissait, comme le lion qui enlève et qui rugit, s’écriait : « Crucifiez-le, crucifiez-le »[6], renferme aujourd’hui des chrétiens, et pas un seul juif, tous les Juifs en sont expulsés. L’Église du Christ est plantée en ce lieu d’où l’on a extirpé les épines de la Synagogue. Leur feu s’est donc allumé comme le feu dans les épines[7] ; mais le Seigneur était un bois vert. « C’est ce qu’il dit lui-même à quelques femmes qui le pleuraient comme un homme qui va mourir : « Ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous et sur vos enfants »[8] ; prédisant ainsi : « Ressuscitez-moi, et je me vengerai d’eux. Si l’on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on au bois sec ? »[9] Quand le bois vert pourra-t-il être consumé par le feu des épines ? « Ils ont pris flamme comme le feu dans les épines »[10]. Le feu consume les épines ; et à quelque bois vert qu’on l’applique, il ne s’allume que difficilement ; la sève du bois vert résiste longtemps à cette flamme lente et sans vigueur, capable néanmoins de consumer des épines. « Ressuscitez-moi, je me vengerai d’eux ». Ne croyez pas, mes frères, que le Fils ait moins de puissance que le Père, parce qu’il dit : « Ressuscitez-moi », comme s’il ne pouvait se ressusciter lui-même. Car le Père a ressuscité seulement ce qui pouvait mourir ; c’est-à-dire, la chair est morte, la chair est ressuscitée. Ne croyez pas non plus que Dieu, le Père du Christ, a pu ressusciter le Christ en cette chair de son Fils, et que le Christ, Verbe de Dieu, égal à son Père, n’aurait pu ressusciter sa chair. Écoutez dans l’Évangile : « Détruisez ce temple de Dieu et je le rebâtirai en trois jours ». Et pour dissiper tous les doutes : « Il parlait ainsi », dit l’Évangéliste, « du temple de son corps[11], Ressuscitez-moi, et je me vengerai d’eux ».
13. « Voici en quoi j’ai connu votre amour pour moi, c’est que mon ennemi n’a pas triomphé de moi »[12]. Voir le Christ à la croix, c’était un bonheur pour les Juifs ; ils croyaient avoir assouvi leur volonté de lui nuire ; ils ont contemplé dans le Christ à la croix, le fruit de leur cruauté ; ils branlaient la tête : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix »[13]. Lui qui le pouvait, n’en descendait pas ; loin de montrer son pouvoir, il enseignait la patience. S’il fût descendu de la croix quand ils parlaient ainsi, il eût paru céder à leurs insultes ; on eût pu croire qu’il ne pouvait supporter les opprobres. Il demeura donc à la croix, nonobstant leurs blasphèmes ; il était ferme quand eux chancelaient. Car s’ils branlaient la tête, c’est qu’ils n’étaient pas unis au Christ, qui est le véritable chef. Grande leçon de patience que nous donne le Christ ! car, tout en refusant d’agir selon les provocations des Juifs, il fit quelque chose de plus grand, puisqu’il est plus merveilleux de sortir du tombeau que de descendre de la croix. « C’est que je ne serai point pour mon ennemi un sujet de triomphe ». Ils tressaillirent donc à ce moment : mais le Christ ressuscita, mais le Christ entra dans sa gloire. Aujourd’hui qu’ils voient tout le genre humain croire en son nom, qu’ils osent aujourd’hui le provoquer, aujourd’hui branler la tête : ou plutôt, que leur tête soit immobile, et, si elle s’agite, que ce soit dans la stupeur et dans l’admiration. Ils disent en effet aujourd’hui : Serait-il donc celui qu’ont prédit Moïse et les Prophètes ? Ils ont dit de lui « qu’il a été conduit comme une brebis pour être immolé ; que, comme l’agneau devant celui qui le tond, il est demeuré sans voix, et n’a pas ouvert la bouche ; que nous sommes guéris par ses blessures »[14]. Or,

  1. Jn. 13,26
  2. Mt. 26,49
  3. Ps. 40,11
  4. Id. 2
  5. Jn. 11,18
  6. Lc. 23,31 ; Jn. 19,6
  7. Ps. 118,12
  8. Lc. 23,28
  9. Id. 31
  10. Ps. 117,12
  11. Jn. 2,19-21
  12. Ps. 40,12
  13. Mt. 27,39-40
  14. Isa. 53,5-7