Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/454

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nous voyons que ce crucifié entraîne après lui le genre humain, et que nos pères ont dit en vain : « Tuons-le, de peur que le monde ne le suive »[1] Peut-être ne le suivrait-on pas s’il n’était point mort. « Pour moi, le signe de votre amour, c’est que je ne serai pas un sujet de triomphe pour mon ennemi ».
14. « Vous m’avez au contraire soutenu à cause de mon innocence »[2] : véritable innocence ! intégrité sans tache, paiement sans dette, châtiment sans faute ! « Vous m’avez soutenu à cause de mon innocence, et m’avez affermi en votre présence pour jamais »[3]. Vous m’avez affermi pour jamais, et affaibli pour un temps, affermi en votre présence, affaibli en présence des hommes. Quoi donc ? Louange à Dieu, gloire à Dieu. « Béni soit le Seigneur, Dieu d’Israël »[4]. Car il est le Dieu d’Israël, notre Dieu, le Dieu de Jacob, le Dieu du second fils, le Dieu du second peuple. Qu’on n’ose point nous dire : C’est des Juifs que l’on parle ainsi ; je ne suis point d’Israël. Les Juifs sont bien moins enfants d’Israël. Car l’aîné des deux frères, c’est le peuple rejeté ; le second, c’est le peuple chéri de Dieu. Aujourd’hui s’accomplit cette parole : « L’aîné servira le plus jeune »[5]. Aujourd’hui, mes frères, les Juifs sont nos serviteurs ; aujourd’hui ils sont nos colporteurs, ils portent les livres que nous étudions. Écoutez en quoi les Juifs nous rendent service et non sans raison. Caïn, ce frère aîné qui tua son frère le plus jeune, fut marqué d’un signe, afin qu’on ne le tuât point, c’est-à-dire, afin qu’il demeurât lui-même un peuple[6]. Or, les Juifs ont les Prophètes et la loi, et cette loi et ces Prophètes ont annoncé le Christ, quand nous avons affaire aux païens et que nous leur montrons aujourd’hui, dans l’Église du Christ, l’accomplissement de ce qui a été prédit longtemps d’avance concernant le nom du Christ, le Christ dans son chef et dans ses membres, nous prenons les livres des Juifs, afin que ces païens ne puissent croire que nous avons fabriqué ces prophéties, et que nous avons ajusté sur l’événement ces annonces de l’avenir. Car les Juifs sont nos ennemis, et ces livres de nos ennemis nous servent à convaincre les païens. Dieu a donc tout réglé, tout disposé pour notre salut. Il a prédit avant nous, il accomplit la prophétie de nos jours, et ce qui n’est point encore accompli, s’accomplira. Il a donc tenu sa promesse de manière à nous faire croire à ce qu’il nous doit encore ; car il nous donnera ce qu’ils n’ont pas donné encore, comme il a donné aujourd’hui ce qu’il n’avait pas donné auparavant. Si quelqu’un veut voir où sont écrites ces promesses, qu’il lise Moïse et les Prophètes. Si quelque ennemi veut s’opiniâtrer en disant : Vous vous êtes fait vos prophéties, montrons-lui les livres des Juifs, puisque l’aîné doit être le serviteur du plus jeune. Que nos adversaires y lisent des oracles accomplis aujourd’hui sous nos yeux ; et disons tous : « Béni soit de siècle en siècle le Seigneur Dieu d’Israël ; et tout le peuple dira : Amen, Amen ».

  1. Jn. 12,19
  2. Ps. 40,13
  3. Id.
  4. Id. 14
  5. Gen. 25,23
  6. Gen. 4,15