Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/470

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de pauvres ! Jeûne donc de manière à te réjouir de ton dîner qu’un autre aura mangé, afin que tu sois exaucé dans tes prières. Le Prophète nous dit au même endroit : « Lorsque tu auras de bon cœur partagé ton pain avec celui qui a faim, tu parleras encore que je dirai : Me voici »[1]. On fait souvent l’aumône avec chagrin et avec murmure, pour échapper aux importunités d’un mendiant, et non pour soulager la faim qui le presse. Or, Dieu aime celui qui donne avec joie[2]. Si tu ne donnes ton pain qu’avec tristesse, ton pain est perdu comme ton mérite. Agis donc de bon cœur, afin que celui qui voit à l’intérieur te dise : « Me voici », quand tu parleras encore. Comme Dieu accueille promptement les prières de ceux qui font le bien ! et les œuvres qui justifient un homme en cette vie, ce sont le jeûne, l’aumône et la prière. Veux-tu que ta prière vole jusqu’à Dieu ? donne-lui deux ailes : le jeûne et l’aumône. Puisse-t-il nous trouver tels ; afin que la lumière de Dieu nous trouve en sûreté, comme la vérité de Dieu, quand viendra nous délivrer de la mort celui qui est venu subir la mort pour nous. Ainsi soit-il !


DISCOURS SUR LE PSAUME 43

SERMON AU PEUPLE.

L’AFFLICTION ET LA GRÂCE.

Les fils de Coré sont les martyrs qui en appellent à Dieu dans leurs tourments, qui comparent aux maux qu’ils endurent les merveilles de Dieu en faveur de son peuple délivré, puis établi dans la terre promise. Dieu demeure sourd à nos demandes, pour que nous apprenions à lui demander les biens éternels : qu’il n’accorde pas en cette vie. Les merveilles du Seigneur étaient l’effet gratuit de sa bonté qui nous délivrera des maux d’ici-bas. Entre la gloire du passé et celle de l’avenir, il y a la peine du présent, épreuve nécessaire pour nous faire connaître si nous servons Dieu par amour, et dont Dieu nous délivrera par sa grâce.


1. Ce psaume, d’après l’indication du titre, est pour les fils de Coré. Or, Coré signifie chauve, ou calvaire, et l’Évangile nous raconte que Notre-Seigneur Jésus-Christ fut crucifié en un lieu appelé Calvaire[3]. Il est donc visible que ce Psaume est pour les fils de ses douleurs. Nous en avons d’ailleurs le témoignage évident et sûr de l’apôtre saint Paul qui, dans les persécutions que les Gentils faisaient subir à l’Église, emprunte un verset de notre psaume, dont il tire un encouragement à souffrir et une consolation. C’est ici en effet qu’est écrit ce qu’il intercale dans sa lettre : « Chaque jour on nous égorge pour votre amour, ô mon Dieu, on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie »[4]. Écoutons donc en notre psaume la voix des martyrs, et voyez la justice de cette cause que soutiennent les martyrs, puisqu’ils s’écrient : « C’est pour vous, Seigneur ». C’est pour cela que le Seigneur ajoute : « A cause de la justice », quand il dit : « Bienheureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice »[5] ; de peur qu’on ne vînt à revendiquer la gloire de souffrir, quand on endure la persécution sans défendre une cause juste. De là vient encore cette exhortation à ses disciples : « Vous serez heureux quand les hommes vous traiteront de telle manière et vous maudiront à cause de moi » Tel est le sens de cette parole : « On nous égorge tous les jours à cause de vous ».
2. Il est bien digne en effet de nos méditations, ce profond dessein du Seigneur qui, d’une part, délivre de l’Égypte, avec tant d’éclat, nos ancêtres, les patriarches, ainsi que

  1. Isa. 58,9-10
  2. 2 Cor. 9,7
  3. Mt. 27,31
  4. Ps. 43,22 ; Rom. 8,36
  5. Mt. 5,10