Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/509

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L’âme reçoit les ordres de Dieu qui siège en elle, et les transmet aux membres. Car c’est ton âme qui commande à tes membres, qui imprime le mouvement à ton pied, à ta main, à ton œil, à ton oreille, c’est elle qui commande à tes membres comme à des serviteurs ; mais elle-même obéit intérieurement au Seigneur qui demeure en elle. Elle n’a point le droit de commander à ses inférieurs, elle ne se soumet elle-même volontiers à celui qui est au-dessus d’elle. « Dieu siège sur non trône auguste ».
11. « Les princes des peuples se sont unis au Dieu d’Abraham »[1]. Dieu est le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob[2]. Tout cela est vrai, Dieu l’a dit, et les Juifs s’en sont enorgueillis, en disant : « Nous sommes les enfants d’Abraham »[3]. Ils se glorifiaient du nom de leur père, et du sang qu’ils tenaient de lui, sans en avoir la foi ; attachés à lui par le sang, ils dégénéraient par les mœurs. Que dit enfin le Seigneur aux hommes orgueilleux ? « Si vous êtes les enfants d’Abraham, faites les œuvres d’Abraham »[4]. Que dit aussi Jean à quelques-uns d’entre eux qui venaient à lui en tremblant, et qui voulaient se corriger par la pénitence ? « Race de vipères ». Ils étaient alors injustes, ils étaient corrompus, ils étaient pécheurs, ils étaient impies[5] ; ils venaient pour recevoir le baptême de Jean ; que leur dit-il ? « Race de vipères ». Ils se vantaient d’être les fils d’Abraham, et il les appelle fils de vipères. Abraham était-il donc une vipère ? Mais dans leur vie dépravée ils avaient imité les démons, et ils étaient devenus les fils de ceux qu’ils imitaient par leur dépravation. « Race de vipères », leur dit-il, « qui donc vous a enseigné à fuir la colère qui s’approche ? Faites de dignes fruits de pénitence, et ne dites pas en vous-mêmes nous avons Abraham pour père, comme pour vous enorgueillir du sang d’Abraham ; car Dieu peut susciter de ces pierres mêmes des enfants d’Abraham »[6]. Abraham ne serait point sans postérité, quand même Dieu vous damnerait ; car il a le pouvoir de damner ceux qu’il hait et de donner à Abraham les fils qu’il lui a promis. Et d’où lui donnera-t-il des fils, s’il vient à damner les Hébreux, qui sont nés de sa chair ? « De ces pierres mêmes », et il leur montrait les rochers du désert. Quels étaient ces rochers, sinon les Gentils qui adoraient des pierres ? Comment donc étaient-ils des pierres ? En adorant des pierres, ils méritaient d’être appelés des pierres, selon cette prophétie du Psalmiste : « Qu’ils deviennent semblables à ces idoles, ceux qui les font, et ceux qui se confient en elles »[7]. Toutefois Dieu a suscité de ces pierres des enfants d’Abraham ; car nous tous qui adorions des pierres, nous sommes convertis au Seigneur, nous sommes devenus enfants d’Abraham, non par la voie de la chair, mais par l’imitation de sa foi. « Donc les princes des peuples se sont unis au Dieu d’Abraham ». Et ces princes des peuples sont les princes des Gentils, non les princes d’un seul peuple ; et ces chefs de tous les peuples « se sont unis au Dieu d’Abraham ».
12. Parmi ces princes était le centurion dont vous venez d’entendre parler dans l’Évangile. Car ce centurion était élevé en honneur et en puissance parmi les hommes, il avait sa place parmi les princes du peuple. Il envoya ses amis au-devant du Christ qui venait chez lui, ou plutôt il envoya ses amis au Christ qui devait passer par là, et le pria de guérir son serviteur qui était malade. Comme le Seigneur voulait y venir en personne, il lui fit dire : « Je ne suis pas digne que vous entriez ce sous mon toit, mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri. Car je suis ce homme sous la puissance d’autrui, ayant sous ce moi des soldats ». Considérez l’ordre qu’il suit : il dit d’abord qu’il est sous les ordres d’un chef, et ensuite qu’il commande à. des soldats. Je suis sous la puissance d’un autre et j’en ai d’autres sous ma puissance ; je suis assujetti et d’autres me sont assujettis. « Et je dis à l’un : Va, et il va ; et à l’autre : Viens, et il vient ; et à mon serviteur : Fais ceci, et il le fait ». Comme s’il disait : Si moi, qui dois obéir à des supérieurs, je commande à mes subalternes ; vous, qui n’êtes sous la puissance d’aucun autre, ne pouvez-vous pas commander à votre créature, puisque tout a été fait par vous et rien sans vous ? « Dites donc une parole », ajoute le centurion, « et mon serviteur sera guéri. Car je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison ». Il n’osait introduire dans sa maison le Christ qu’il avait déjà dans son cœur : son âme était

  1. Ps. 46,10
  2. Exod. 3,6
  3. Jn. 8,33
  4. Id. 39
  5. Mt. 3,7
  6. Id. 9
  7. Ps. 113,8