Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/508

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n’est pas seulement un homme, il est aussi Dieu. Homme, il est fils de David[1], et Dieu, il est Seigneur de David, ayant tiré sa chair de la souche des Juifs, « qui ont pour pères les patriarches », dit l’Apôtre, « et chez qui le Christ est né selon la chair ». Donc le Christ est selon la chair de la souche des Juifs. Mais quel est ce Christ qui tient aux Juifs par la chair ? « Celui qui est Dieu béni dans tous les siècles »[2]. Il était donc Dieu avant la chair, Dieu dans la chair, Dieu avec la chair. Non seulement il était Dieu avant la chair, mais Dieu avant la terre d’où la chair a été formée ; et non seulement encore avant la terre d’où la chair a été formée, mais Dieu avant le ciel qui fut créé avant la terre ; Dieu avant le premier jour qui ait été fait ; Dieu avant tous les anges, et ce Dieu était Christ ; car ce Au commencement était le Verbe, et le « Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; tout a été fait par lui, et rien de ce qui a été fait ne l’a été sans lui »[3]. Or, il est avant tout, celui par qui tout a été fait. « Chantez ce donc à notre Dieu, chantez ».
9. « Car Dieu est le roi de toute la terre »[4]. En effet, Dieu n’est-il point avant toute la terre ? N’est-il pas le Dieu du ciel et de la terre, qui n’ont été faits que par lui ? Qui pourrait dire qu’il n’est point son Dieu ? Mais tous les hommes ne l’ont point reconnu pour leur Dieu ; et ce Dieu connu en Judée »[5], était Dieu seulement de ces contrées où il était connu ; on ne disait point encore aux fils du Chauve : « Vous tous, peuples de la terre, battez des mains ». Or, ce Dieu connu des Juifs est le Dieu de toute la terre. Il est connu de tous, parce que s’est accomplie cette parole d’Isaïe : « Ce Dieu qui est le tien et qui t’a délivré, est appelé le Dieu de toute la terre[6]. Car Dieu est le Dieu de la terre entière, chantez avec intelligence ». Selon l’avis qu’il nous en donne, le Prophète nous apprend à chanter avec intelligence, et à chercher non point le son de l’oreille, mais bien la lumière du cœur. « Chantez », dit-il, ce avec intelligence ». Les Gentils, d’où vous avez été tirés pour devenir chrétiens, adoraient des dieux faits à la main, ils leur chantaient des hymnes, mais sans intelligence ; s’ils eussent chanté avec intelligence, ils n’eussent pas adoré des pierres ; qu’un homme raisonnable chante une pierre sans raison, dira-t-on qu’il chante avec intelligence ? Maintenant, mes frères, nos yeux ne voient pas le Dieu que nous adorons, et néanmoins nous l’adorons sans erreur. Dieu nous paraît bien plus grand quand il se dérobe à nos regards ; si nous le voyions de nos yeux, nous pourrions bien le mépriser. Les Juifs ont méprisé le Christ qu’ils voyaient, les Gentils l’ont adoré sans le voir. C’est à eux qu’il a été dit : « Chantez avec intelligence. Gardez-vous de ce ressembler aux animaux sans raison, à qui ce l’intelligence fait défaut »[7].
10. « Le Seigneur dominera tous les peuples »[8]. « Lui qui ne régnait que sur un seul peuple, régnera », dit le Prophète, « sur toutes les nations ». Quand le Psalmiste parlait ainsi, Dieu ne régnait que sur un seul peuple ; c’était une prophétie dont l’accomplissement n’était pas encore visible. Grâce à Dieu, nous voyons s’accomplir ce qui n’était qu’un germe prophétique. Dieu nous avait fait longtemps d’avance un billet qu’il acquitte à l’échéance. « Dieu régnera sur toutes les nations », c’est là une promesse. « Dieu s’assied sur son trône auguste ». Ce qui était promis alors s’accomplit maintenant, nous sommes en possession de la promesse, « Dieu est assis sur son trône auguste ». Quel est ce trône auguste ? Peut-être les cieux, et ce sens est bon. Car le Christ, comme nous le savons, s’est élevé aux cieux avec cette chair clouée à la croix, et il est assis à la droite du Père[9], d’où nous attendons qu’il vienne juger les vivants et les morts[10]. « Il est donc assis sur son trône auguste ». Les cieux, voilà son trône saint. Veux-tu être toi-même son trône ? Loin de toi de croire que tu ne le puisses ; prépare-lui une place dans ton cœur : il viendra s’y asseoir avec délices. C’est lui certainement qui est la force de Dieu, la sagesse de Dieu[11]. Et que dit l’Écriture à propos de la sagesse ? L’âme des justes est pour la sagesse un trône[12]. Donc si ton âme est juste, la sagesse y est assise ; que ton âme soit juste, et alors elle sera pour la sagesse un trône royal. En vérité, mes frères, tout homme qui vit saintement, dont les œuvres sont pures, dont la conduite respire la charité la plus dévouée, n’est-il pas un trône où Dieu s’assied pour commander ?

  1. Rom. 1,3
  2. Id. 9,5
  3. Jn. 1,1-3
  4. Ps. 46,8
  5. Id. 75,2
  6. Isa. 54,5
  7. Ps. 31,9
  8. Id. 46,9
  9. Act. 1,2
  10. 2 Tim. 4,1
  11. 1 Cor. 1,24
  12. Sag. 7