Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/561

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bassesse de cette herbe, considère sa vertu médicale. J’ajouterai ceci, que disent d’ordinaire les médecins, et dont les malades font l’expérience : c’est que l’hysope a la vertu de guérir les poumons. Or, le poumon est le symbole ordinaire de l’orgueil ; il s’enfle et se dilate par la respiration. Il est dit de Saul persécuteur ou de Saul l’orgueilleux, qu’il courait pour lier les chrétiens, ne respirant que le meurtre[1] ; son poumon n’était point pur, et il respirait le meurtre, il respirait le sang. Mais écoute combien est pur celui qu’a lavé l’hysope : « Vous me laverez avec l’hysope et je serai pur ; vous me laverez, et je serai plus blanc que la neige ». « Quand même », est-il dit ailleurs, « vos péchés seraient comme la pourpre, ils se blanchiraient comme la neige[2] ». C’est de ceux-là que le Christ se forme un manteau sans tache et sans ride[3]. De là vient que sur la montagne son vêtement parut blanc comme la neige[4], et fut le symbole de l’Église pure de tout péché.
13. Mais où est l’humilité qui vient de l’hysope ? Écoutez la suite : « Vous ferez entendre à mon oreille la joie et l’allégresse, et les ossements brisés tressailliront[5]. Vous mettrez dans mon oreille la joie et l’allégresse ». Je me réjouirai de vous entendre et non de parler contre vous. Tu es pécheur, ô homme, pourquoi t’en défendre ? Tu veux parler : souffre que Dieu te parle, écoute, cède à la parole divine, ne te trouble point afin de ne point augmenter tes blessures : une faute est commise, ne la défends point, confesse-la sans l’excuser. Tu succomberas si tu te constitues l’avocat de ta faute : tu n’es pas un avocat irréprochable, ta défense ne peut être que malheureuse. Qui es-tu en effet, pour te défendre ? Tu n’es propre qu’à t’accuser. Loin de toi donc ces excuses : ou, je n’ai rien fait ; ou, quelle grande faute ai-je commise ? ou, d’autres l’ont faite ainsi que moi. Si, coupable d’un crime, tu dis que tu n’as rien fait, tu ne seras rien devant Dieu, tu ne recevras rien de lui : Dieu est tout prêt à t’accorder le pardon, tu en fermes l’issue jusqu’à toi : il est prêt à te faire grâce, ne lui oppose point ta défense comme une digue, ouvre-lui ton cœur par l’aveu. « Vous me ferez entendre la joie et l’allégresse ». Que Dieu, mes frères, me donne d’exprimer ma pensée. Les auditeurs sont plus heureux que les prédicateurs : quiconque s’instruit est humble, mais celui qui instruit les autres doit se mettre en garde contre l’orgueil, contre toute volonté de plaire aux hommes, ce qui serait alors déplaire à Dieu. Ceux qui instruisent, mes frères, tremblent devant ces paroles, et je ne vous parle qu’en tremblant. Croyez-en à mon cœur que vous ne pouvez voir : mais puisse s’adoucir en notre faveur, et nous être propice, celui qui connaît avec quel tremblement je vous instruis ! Mais lorsque nous l’écoutons qui nous parle intérieurement, qui nous enseigne, alors nous sommes en sûreté, notre joie est sans crainte : nous avons un maître, nous cherchons sa gloire, nous le louons dans ses enseignements : sa vérité nous transporte à l’intérieur où nul ne fait et n’entend le bruit. C’est là que David trouvait sa joie et son allégresse. « Vous mettrez », dit-il, « dans mon oreille la joie et l’allégresse ». Mais il écoute parce qu’il est humble. Celui qui écoute, qui écoute vraiment, sincèrement, celui-là écoute avec humilité, car toute sa gloire est dans celui dont il écoute la parole. Après avoir dit : « Vous mettrez dans mon oreille la joie et l’allégresse, il nous montre ce qu’il en revient d’avoir écouté. Les ossements brisés tressailliront ». Les ossements brisés, les ossements de celui qui écoute, n’ont point ce faste et cet orgueil que surmonte difficilement en lui-même celui qui parle. De là encore l’humilité de ce grand homme dont le Christ a dit que nul ne fut plus grand parmi les enfants des hommes[6], et qui s’humilia au point de se dire indigne de délier les cordons des souliers du Seigneur[7], de ce Jean-Baptiste, qui rendit toute la gloire à son maître et devint ainsi son ami. Et quand on le prenait pour le Christ, et qu’il pouvait se prévaloir et s’enorgueillir de cette erreur ; non que lui-même se soit dit le Christ, mais quand il pouvait accepter cet honneur de la part des hommes qui voulaient spontanément le lui déférer[8], il repoussa ce faux honneur afin de trouver la vraie gloire ; et voyez comme son humilité venait de ce qu’il écoutait : « Celui qui a l’Épouse », dit-il, « est l’Époux ; mais celui qui se tient debout et qui écoute, est l’ami de l’Époux ».

  1. Act. 9,1
  2. Isa. 1,18
  3. Eph. 5,27
  4. Mt. 17,2-5
  5. Ps. 50,10
  6. Mt. 11,11
  7. Mc. 1,7
  8. Lc. 3,15