Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il dit qu’il est debout et qu’il écoute, non pas, qu’il tombe et qu’il parle. « Il est debout », dit-il, « et il écoute l’Époux ». Vous l’entendez, il est debout, où donc est la joie et l’allégresse ? Il continue aussitôt : « Il est debout, et il l’écoute, et il tressaille de joie à la voix de l’Époux[1]. Quand j’écouterai, vous me donnerez la joie et l’allégresse, et les ossements jetés à terre tressailliront ».
14. « Détournez votre face de mes fautes, effacez toutes mes iniquités[2] » Déjà tressaillent mes ossements jetés à terre, déjà l’hysope m’a purifié, et je suis devenu humble. « Détournez votre face, non de moi, mais de mes péchés ». Car il dit ailleurs en suppliant : « Ne détournez point de moi votre face[3] ». Il ne veut donc point que Dieu détourne de lui sa face, mais il veut qu’il la détourne de ses péchés. Car Dieu voit tout péché dont il ne détourne pas sa face ; s’il le voit il le châtie. « Détournez donc votre face de mes fautes, effacez toutes mes iniquités ». Il se rassure au sujet de son grand péché ; il porte plus loin sa confiance, il veut que toutes ses fautes soient effacées : il met son espoir dans la main du médecin, dans cette grande miséricorde, qu’il a implorée au commencement du psaume : « Effacez toutes mes iniquités ». Dieu détourne ses regards, et c’est ainsi qu’il les efface : en détourner son regard, c’est les effacer ; les voir, c’est les écrire. Tu as entendu que Dieu efface nos péchés quand il s’en détourne, écoute ce qu’il fait quand il les voit : « La face du Seigneur est sur tous ceux qui font le mal, afin d’effacer de la terre jusqu’à leur souvenir[4] » ; parce qu’il n’efface pas leurs péchés. Mais ici, que demande le Prophète ? « Détournez vos regards de mes péchés ». Cette prière est sage, car lui-même ne détourne point les yeux de ses fautes, puisqu’il dit : « Pour moi, je connais mon péché ». Tu as donc le droit, tu fais bien de demander à Dieu qu’il détourne son regard de tes péchés, si tu n’en détournes pas le tien ; mais si tu rejettes ton péché en arrière, Dieu le tient présent sous ses yeux. Que ton péché soit donc toujours sous tes yeux, si tu veux que Dieu en détourne ses regards tu peux alors le demander en toute sûreté, et il t’exaucera.
15. « Créez en moi Seigneur, un cœur nouveau ». « Créez » ; le Prophète n’a point voulu dire par là : Faites en moi quelque chose de nouveau ; mais comme il priait avec repentir, comme il était coupable d’un crime, et qu’avant ce crime il était plus innocent, il nous montre ainsi la valeur de cette expression : « Créez. Et renouvelez au fond de mon âme l’esprit de droiture ». Mon crime, dit-il, avait détruit et courbé la droiture de mon esprit. Il dit dans un autre psaume : « Ils ont, courbé mon âme[5] ». Et quand l’homme se penche vers les convoitises du temps, il se courbe en quelque sorte ; quand il s’élève aux biens d’en haut, de manière à trouver la douceur en Dieu, son cœur devient droit. « Combien est bon le Dieu d’Israël, pour ceux « qui ont le cœur droit[6] ! » Donc, mes frères, écoutez. Souvent Dieu châtie de ses péchés en cette vie l’homme auquel il pardonne pour l’autre vie. David lui-même, à qui Dieu avait dit par son Prophète : « Votre péché vous est remis[7] », dut subir les châtiments dont Dieu l’avait menacé à cause de sa faute. Son fils Absalon lui fit une guerre sanglante et le réduisit à d’humiliantes extrémités[8]. Il marchait dans la douleur, dans l’affliction et le mépris, tellement soumis à Dieu qu’il reconnaissait sa justice dans ces traitements, et confessait qu’il ne souffrait rien qu’il n’eût mérité. Déjà son cœur était redressé, et Dieu ne lui déplaisait point. Il entendit patiemment un homme qui l’injuriait et lui jetait à la face des imprécations[9], un homme qui se déclarait son ennemi, et marchait avec les soldats de son fils rebelle. À ces malédictions jetées au roi, un des compagnons de David voulut courir sur cet insolent et le tuer ; mais David le retint. En quels termes ? « C’est Dieu », dit-il, « qui l’a envoyé pour me maudire ». Il reconnaît donc sa faute, il en approuve le châtiment, il ne cherche point sa propre gloire ; il bénit le Seigneur du bien qu’il trouve en lui-même, il bénit le Seigneur des maux qu’il endure, il bénit le Seigneur en tout temps ; la louange du Seigneur est toujours en sa bouche[10]. Tels sont les hommes au cœur droit : bien différents de ces hommes dépravés qui se croient justes et Dieu pervers ; qui jubilent quand ils font le mal ; qui blasphèment quand ils souffrent ; qui sous le fouet de la tribulation s’écrient dans leur âme dépravée : Dieu, que t’ai-je fait ? En vérité, ils

  1. Jn. 3,29
  2. Ps. 50,11
  3. Id. 26,3
  4. Id. 33,17
  5. Ps. 55,7
  6. Id. 72,1
  7. 2 Sa. 12,13
  8. Id. 15,10
  9. Id. 16,6
  10. Ps. 22,2