condamné, puni, enlevé de sa tente, comme un tourbillon tout terrestre, comme la poussière que le vent emporte de dessus la surface de la terre : il est déraciné et arraché de la terre des vivants, non parce qu’il a été riche, mais parce qu’il a placé ses espérances dans sa fortune au lieu de les placer en Dieu[1]. Est-ce de pareils riches que parle l’apôtre saint Paul quand il dit : « Ordonne aux riches de ce monde de ne pas être orgueilleux » comme Doëch, « et de ne pas mettre leur confiance en des richesses incertaines et périssables », comme Doëch qui a mis son appui dans leur multitude ; mais d’espérer dans « le Dieu vivant » et de ne pas ressembler à Doëch qui « n’a pas pris Dieu pour son appui ? » Enfin, que leur recommande-t-il encore : « Qu’ils soient riches en bonnes œuvres, qu’ils donnent facilement, qu’ils partagent avec les pauvres[2] ». S’ils donnent facilement, s’ils partagent leurs biens avec ceux qui n’en ont pas, passeront-ils par le trou de l’aiguille ? Oui, ils y passèrent, car le chameau y a passé avant eux et pour eux. Il y est en effet entré le premier, celui qui a dû s’abaisser à l’exemple d’un chameau, pour pouvoir être chargé du fardeau de sa passion ; d’ailleurs il a dit lui-même : Ce qui est impossible à l’homme est facile à Dieu[3]. Que Doëch soit donc condamné et que les justes trouvent maintenant en lui un sujet de crainte. Tu as peut-être de la fortune, mais au lieu d’espérer en elle, tu espères en Dieu. Celui qui ne suit pas ton exemple et qui ne cherche pas son appui dans le Seigneur est à juste titre condamné : « Et il a placé son espérance dans « la multitude de ses richesses », pareil en cela à ceux qui disent : Bienheureux le peuple qui possède ces choses, c’est-à-dire, les biens de la terre ; tandis que les adversaires de Doëch répètent : « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur ». Le Psalmiste énumère tous les biens qui, selon eux, font le bonheur d’un peuple, car ils parlent comme des enfants étrangers, comme Doëch l’Iduméen, le terrestre : « Leur bouche s’est répandue en vanité, et leur droite est une droite d’iniquité ; leurs enfants sont dans leur jeunesse comme de nouveaux plans d’arbres ; leurs filles sont parées et ornées comme l’est un temple ; leurs celliers sont remplis ; ils regorgent et se déversent l’un dans l’autre : « leurs vaches sont grasses, la clôture de leurs héritages n’est ni brisée ni ouverte à tout venant, on n’entend aucun cri dans leurs places publiques[4] ». Ils semblent trouver dans cette tranquillité d’ici-bas une félicité sans bornes. Mais celui qui est terrestre est aussi ébranlé que la poussière enlevée par le vent de dessus la surface de la terre. Mais enfin, que leur reproche-t-on ? On ne leur reproche pas de jouir de tous ces biens, car il y a des justes qui les possèdent aussi. Alors que leur reproche-t-on ? Écoutez-moi attentivement et vous ne blâmerez point, indistinctement tous les riches, comme vous ne ferez ni de la pauvreté ni des privations auxquelles elle condamne, un titre assuré de salut. Car s’il ne faut point s’appuyer sur les richesses, il ne faut pas davantage compter sur les mérites de la pauvreté ; le Dieu vivant doit être seul le fondement de notre espérance. Encore une fois, que leur reproche-t-on donc ? d’avoir proclamé bienheureux le peuple qui jouit de ces avantages, et d’avoir par conséquent agi comme des enfants étrangers ; « d’avoir parlé le langage de la vanité, d’avoir eu en leur droite une droite d’iniquité ». Et toi, que diras-tu ? « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur ».
16. Il est condamné l’homme « qui amis sa confiance dans la grandeur de ses richesses et qui s’est prévalu dans sa vanité », car y a-t-il pensée plus vaine que celle d’attribuer à une pièce de monnaie un pouvoir supérieur à celui de Dieu ? Il est condamné l’homme qui a proclamé bienheureux le peuple riche des biens de la terre. Mais toi qui dis : « Heureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur », que penses-tu de toi ? Où places-tu tes espérances ? « Pour moi », ce sont tous les justes qui parlent ici : « Pour moi, je suis comme un olivier fertile dans la maison de mon Dieu ». Ce langage n’est pas seulement celui d’un homme, c’est le langage de l’olivier fertile dont les rameaux orgueilleux ont été retranchés, et sur lequel on a greffé l’humble olivier sauvage[5]. « Pareil à un olivier fertile dans la maison de mou Dieu, j’ai mis mon espérance dans la miséricorde du Seigneur ». Doëch a dit : « J’ai placé mon espérance dans la multitude de mes richesses » : ainsi il sera déraciné et arraché de la terre des vivants. Pour moi, parce que je suis pareil à un olivier
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