Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/577

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que soient tes efforts à exalter la douceur du nom de Dieu, tes louanges ne seront jamais que des paroles incapables de la faire apprécier ; il en serait tout autrement si tu pouvais la faire savourer. Les impies eux-mêmes entendent les louanges qu’on en fait, mais il n’y a que les saints pour les comprendre. Le Psalmiste sent toute cette douceur du nom de Dieu, il veut en donner une idée et la faire en quelque sorte toucher des yeux, mais il ne trouve personne à qui il puisse expliquer sa pensée ; car, d’une part, les saints qui savourent et connaissent cette douceur du nom de Dieu, n’ont aucunement besoin d’en entendre parler ; d’autre part, les impies sont incapables d’apprécier ce qu’ils ignorent. Que faire alors ? Comment parler de cette douceur du nom de Dieu ? Il se sépare aussitôt de la foule des méchants et il dit : « J’attendrai votre nom, parce qu’il est doux en présence de vos saints ». Votre nom n’est pas doux en présence des impies, mais je sais à qui sa douceur est bien comme, c’est à ceux qui en ont fait l’expérience.


DISCOURS SUR LE PSAUME 52

FOI ET ESPÉRANCE

Ce psaume nous fait connaître les ennemis de Dieu et du peuple fidèle ; le nombre en est grand, car ce sont tous les impies et les libertins ils nient l’existence de Dieu pour s’autoriser et persévérer dans leur corruption, et, pour être conséquents avec eux-mêmes, ils persécutent son peuple. Mais, en punition de leur langage sacrilège, le Seigneur les frappe d’aveuglement, les remplit d’une crainte insensée et les anéantit ; quant à ses enfants, il les console par l’espérance d’un Sauveur et des joies du ciel.


1. Nous entreprenons de vous expliquer ce psaume, autant du moins que nous le permettra la grâce de Dieu. Notre frère nous ordonne de vouloir le faire, et il offre au Seigneur ses prières, afin que nous le puissions. Si par trop d’empressement nous venons à omettre quelque détail, celui qui daigne dicter nos paroles suppléera lui-même en vos cœurs à l’insuffisance de notre discours. Le titre le ce psaume est : « Pour la fin, pour Mahéleth, intelligence à David ». « Pour Mahéleth ». Si nous en croyons les interprètes des noms hébreux, le sens serait celui-ci : Pour une personne qui enfante ou qui souffre. Qui est-ce qui enfante et qui souffre ici-bas ? Les fidèles le savent, puisqu’ils sont condamnés à y vivre. Le Christ enfante, le Christ souffre ; le chef et les membres enfantent et souffrent, l’un au ciel, les autres sur la terre. S’il n’en était ainsi du Christ, dirait-il : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu[1] ? » Il enfantait un persécuteur, et celui-ci par sa grâce une fois converti enfantait à son tour ; car il fut ensuite éclairé de la lumière d’en haut ; puis ayant pris place parmi les membres du Christ qu’il persécutait, animé des sentiments de la même charité, et comme s’il était dans le travail de l’enfantement, il disait : « Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé en vous[2] ». Ce psaume a donc trait aux membres du Christ, à son corps qui est l’Église[3], à cet homme un, c’est-à-dire à cette grande unité dont le chef est au ciel. Cet homme gémit, enfante et souffre, mais pourquoi ? Au milieu de quelles gens ? son chef même a pris soin de l’en instruire, de le lui faire connaître, quand il a dit : « L’iniquité abondera et l’on verra se refroidir la charité d’un grand nombre ». Mais « si l’iniquité abonde », et si la charité « d’un grand nombre se refroidit » ; qui est-ce qui restera pour enfanter ? Le voici : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé[4] ». Y aurait-il de la grandeur d’âme à persévérer, s’il ne fallait le faire en dépit de tracasseries,

  1. Act. 9,4
  2. Gal. 4,19
  3. Col. 1,24
  4. Mt. 24,12-13