dans la foi, ils tombent daims cet autre désordre dont parle l’apôtre saint Paul Mangeons et buvons, car demain nous mourrons[1] ». Le livre de la Sagesse développe amplement cette pensée corruptrice : « Couronnons-nous de roses avant qu’elles se flétrissent ; laissons partout des traces de notre joie ». Après avoir ainsi traduit les idées des méchants, il ajoute : « Faisons mourir le pauvre qui est juste[2] ». N’est-ce pas lire : Il n’y a point de Dieu ? Ils semblaient tenir un langage plein de douceur : « Couronnons-nous de rosés avant qu’elles se flétrissent ». Jamais parole fut-elle plus délicate, plus inoffensive ? Croirait-on que cette tendresse de langage doit aboutir à un crucifiement, à des coups d’épée ? Y a-t-il de quoi t’étonner ? La racine des ronces n’est-elle pas non plus douce au toucher ? Serre-la donc dans tes mains, elle ne te blessera pas ; mais en est-il le même de la tige qui en sort ? « Ils sont donc corrompus, ils sont donc devenus abominables dans leurs iniquités. L’imprudent a dit dans son cœur : Il n’y a pas de Dieu ; s’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix[3] ». C’est bien dire : « Il n’y a point de Dieu ».
4. Mais comment le corps du Christ gémit-il parmi de telles gens ? Les Apôtres et les disciples du Sauveur y ont gémi en leur temps. Pour nous, quels rapports avons-nous avec eux ? comment au milieu d’eux endurons-nous les douleurs de l’enfantement ? Il en est encore qui disent : Le Christ n’est pas Dieu. Ce qui reste de païens le dit : nous l’entendons dire à ces juifs, qui portent en tout lieu la preuve de leur condamnation. Une multitude d’hérétiques tiennent le même langage. Les Ariens ont dit : Il n’est point Dieu. Les Eunoméens ont dit aussi : Il n’est point Dieu ; nous pouvons ajouter ici, mes frères, que tous les chrétiens dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui vivent mal, ne disent pas autre chose. Car lorsque nous leur annonçons que le Christ viendra juger tous les hommes, comme nous l’attestent les Écritures, qui ne peuvent nous tromper, ils aiment mieux prêter l’oreille aux suggestions du serpent, de cet esprit infernal qui n’avait pas craint de donner le démenti à Dieu lui-même dans le Paradis terrestre, et qui avait dit à Adam : « Tu ne mourras pas[4] », quand le Seigneur lui avait formellement attesté qu’il mourrait[5]. Ils font le mal si hardiment qu’ils ne craignent pas de se dire : Le Christ viendra et il accordera à tous le pardon de leurs fautes. Le voilà donc convaincu de mensonge, celui qui s’est annoncé comme devant séparer les justes d’avec les pécheurs, et placer les uns à sa droite et les autres à sa gauche. Le voilà convaincu de mensonge, celui qui s’est annoncé comme devant dire aux justes : « Venez, bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde » ; et aux pécheurs : « Allez au feu éternel qui a été préparé pour le démon et ses anges[6] ». D’après ces paroles, pourrait-il pardonner à tous ? Pourrait-il ne condamner personne ? Il ment donc ; s’exprimer ainsi n’est-ce pas dire : Il n’est pas Dieu ? Prends garde de mentir toi-même. Car tu es homme et il est Dieu. Dieu est la vérité même, et tout homme est menteur[7]. O corps du Christ, que feras-tu au milieu de ces méchants ? Il faut t’en éloigner, par tes affections et tes mœurs. Ne les imite pas, n’entre point en société avec eux, ne donne à leurs désordres ni ton consentement, ni ton approbation ; inflige-leur plutôt le châtiment d’un blâme sévère. Pourquoi prêter attention à des hommes qui parlent de la sorte : « Ils sont corrompus et sont devenus abominables dans leurs iniquités, il n’en est aucun parmi eux pour faire le bien ? » « Du haut du ciel le Seigneur a jeté les yeux sur les enfants des hommes, afin de voir s’il en est qui aient l’intelligence ou qui cherchent Dieu[8] ». Qu’est-ce à dire ? Tous ceux qui disent : Il n’y a pas de Dieu, sont-ils corrompus ? sont-ils tous devenus abominables ? Eh quoi ! s’ils en étaient là, Dieu l’ignorerait-il ? ou plutôt serions-nous à même de pénétrer les secrètes pensées de leurs cœurs, s’il ne nous en faisait la grâce ? S’il le savait, s’il en avait la connaissance, pourquoi donc est-il écrit que « du haut du ciel il a jeté ses regards sur les enfants des hommes pour voir s’il en est qui aient la sagesse ou qui cherchent Dieu ? » Ces paroles désignent non une personne instruite, mais une personne qui cherche à s’instruire : « Du haut du ciel le Seigneur a jeté ses regards sur les enfants des hommes, afin de voir s’il en est qui aient l’intelligence ou qui cherchent
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