Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/621

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mon Dieu ». Richesses inappréciables du cœur ! ineffable lumière des yeux de l’âme ! confiance et sécurité bien dignes d’admiration ! « Je sais que vous êtes mon Dieu ».
18. « Je me louerai en Dieu de mes paroles ; je louerai en Dieu mes discours. J’ai mis en Dieu mon espérance ; je ne craindrai point ce que l’homme pourra me faire[1] ». Nous avons déjà donné le sens de ces paroles.
19. « Mon Dieu, j’ai en moi les vœux que je vous offrirai, et les louanges que je chanterai en votre honneur[2] » Faites des vœux au Seigneur votre Dieu, et accomplissez-les[3]. Quels vœux lui ferez-vous ? que lui rendrez-vous ? immolerez-vous en son honneur des animaux comme ceux qu’on lui offrait jadis ? Non, il ne faut rien lui offrir de pareil ; tu as assez en toi-même à lui consacrer et à lui rendre. Tire du fond de ton cœur, comme d’un coffre précieux, l’encens de la louange ; offre-lui le sacrifice de la foi dans le riche sanctuaire d’une bonne conscience ; embrase du feu de la charité tout ce que tu lui offriras. Oui, tu trouveras en toi-même les vœux que tu dois offrir à Dieu en sacrifice de louanges. « Mais, pourquoi le louer ? quel bienfait t’a-t-il accordé ? « Parce que vous avez délivré mon âme de la mort ». C’est là la vie que le Prophète fait connaître à Dieu : « Seigneur, je vous ai fait connaître ma vie ». Qu’étais-je, en effet ? J’étais mort, et la cause de ma mort se trouvait en moi-même. Et par votre grâce qui suis-je ? Je suis vivant. « C’est pourquoi, Seigneur, j’ai en moi les vœux que je vous offrirai et les louanges que je chanterai en votre honneur ». J’aime mon Dieu, personne ne me l’enlèvera ; personne, non plus, ne sera capable de me ravir ce que je veux lui offrir, car mes présents sont renfermés dans mon cœur. C’était donc à bien juste titre que le Psalmiste disait tout à l’heure, dans le sentiment d’une noble confiance : « Qu’est-ce que l’homme pourrait me faire ? » Qu’il me persécute, qu’il me fasse librement souffrir, qu’il vienne à bout d’accomplir tous les mauvais desseins qu’il forme contre moi, que pourra-t-il m’enlever ? S’il me dépouille de mon or, de mon argent, de mes troupeaux, de mes esclaves, de mes servantes, de mes propriétés, de mes maisons, de tout ce que je possède, pourra-t-il aussi m’enlever les vœux qui sont en moi, les louanges que je veux chanter en l’honneur de Dieu ? Satan fut autorisé à tenter le saint homme Job, en un clin d’œil il lui enleva tout ; il le dépouilla de la fortune qu’il possédait, le priva de ses domaines et fit mourir tous ses héritiers[4]. Toutes ces pertes, Job ne les subit point l’une après l’autre, mais toutes ensemble, tout d’un coup, subitement ; il apprit au même moment tous ses malheurs. Dépouillé de tout, il resta seul ; toutefois il y avait encore dans son cœur des vœux pour Dieu ; il s’y trouvait des louanges à chanter en l’honneur du Très-Haut ; le coffre précieux de ce cœur juste demeura à l’abri des atteintes du démon ; il était rempli d’offrandes pour l’Eternel. Voici ce qui y était renfermé, voici ce qu’il en fit sortir ; écoute bien : « Le Seigneur me l’avait donné, le Seigneur me l’a ôté ; rien ne s’est fait sans la volonté de Dieu ; que son saint nom soit béni ». O richesses intérieures, sur lesquelles le démon ne peut étendre la main ! Il offrait en sacrifice à Dieu ce que Dieu lui avait donné ; le Seigneur l’avait enrichi, et c’était avec ces richesses qu’il faisait au Seigneur l’offrande la plus agréable. Dieu te demande des louanges ; il veut que tu confesses son nom ; lui offriras-tu quelques-uns des fruits de ton champ ? C’est lui qui a fait tomber sur ce champ les pluies qui l’ont fécondé. Lui donneras-lu une partie de tes trésors ? C’est encore lui qui t’en a gratifié. Pourras-tu vraiment lui offrir une chose que tu n’aies pas reçue de sa munificence ? Y a-t-il rien dont tu ne doives lui être reconnaissant ? Enfin, lui donneras-tu quelque chose qui vienne de ton cœur ? C’est de lui que te sont venues la foi, l’espérance et la charité ; voilà l’offrande par excellence, voilà le vrai sacrifice à lui faire. L’ennemi est à même de t’enlever tout le reste malgré toi ; ces dons intérieurs, il ne te les ravira pas, à moins que tu n’y consentes. Les biens extérieurs, on peut en être privé malgré soi ; on voudrait posséder de l’or et l’on en perd ; on voudrait avoir une maison et on en est dépouillé ; mais, à moins de le mépriser, personne ne peut être dépouillé du don de la foi.[5]
20. « Seigneur, j’ai en moi les vœux que je vous offrirai et les louanges que je chanterai en votre honneur, parce que vous avez délivré mon âme de la mort, et mes yeux de toute larme, et mes pieds de toute chute, afin que je vous plaise dans la lumière des vivants[6] ».

  1. Ps. 55,11
  2. Id. 12
  3. Id. 75,12
  4. Job. 1,12-21
  5. 1 Cor. 4,7
  6. Ps. 55,13