Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/644

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est cette image ? » Par là il brisait leurs dents dans leur bouche ; car, Jésus leur demandant quelles étaient l’image et l’inscription gravées sur cette pièce de monnaie, ils furent obligés de répondre que c’étaient celles de César. Le Sauveur avait, dès lors, toute facilité de briser leurs dents dans leur bouche. Vous avez répondu : aussi vos dents sont-elles brisées dans votre bouche. « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu[1] ». César vous demande son image : rendez-la-lui. Dieu vous demande la sienne : faites de même. Vous n’avez pas le droit de faire perdre à César sa monnaie : vous n’avez pas davantage le droit d’enlever à Dieu ce qui lui appartient. À cela qu’avaient-ils à répondre ? Rien. Ils avaient été envoyés vers Jésus pour trouver en lui un motif de le décrier : ils revinrent en disant qu’il était impossible de lui répondre. Pourquoi cela ? Parce que leurs dents avaient été brisées dans leur bouche.
12. Autre fait semblable. Les Pharisiens dirent à Jésus : « Par quelle puissance faites-vous tous ces prodiges ? » Et il leur répondit : « Je vais, à mon tour, vous faire une question : « répondez-moi ». Et il les interrogea au sujet de Jean, et leur demanda d’où venait le baptême de Jean, de Dieu ou des hommes ? par là, il les mettait dans l’impossibilité de répondre, à moins de se condamner eux-mêmes. Ils ne voulurent pas dire que ce baptême venait des hommes, dans la crainte d’être lapidés par ceux qui les entendraient, parce qu’on regardait Jean comme un prophète. Dire qu’il venait de Dieu était pour eux bien plus difficile, car c’était avouer que lui-même était le Christ, puisque Jean l’avait annoncé comme tel. Restés entre ces deux impossibilités, incapables de répondre de façon ou d’autre, ces malheureux, qui voulaient embarrasser le Sauveur, en appelèrent à l’ignorance et lui dirent : « Nous ne savons pas[2] ». Quand ils lui disaient : « Par quelle puissance faites-vous ces prodiges ? » ils avaient l’intention de le mettre en défaut et de l’attaquer. S’il avait dit : Je suis le Christ, ils se seraient jetés sur lui, prétextant de sa part l’arrogance, l’orgueil, des paroles sacrilèges : il ne voulut point faire cette déclaration, muais il posa une question sur le compte de Jean, qui, lui, avait publiquement reconnu le caractère du Christ.
Ses ennemis ne se sentirent pas l’audace d’attaquer le témoignage de Jean, parce qu’ils avaient à craindre de se voir assassinés par le peuple : le courage leur manqua aussi pour avouer que Jean avait dit vrai, parce que c’était donner à Jésus le droit de leur dire Ajoutez donc foi à ses paroles. Dans cette alternative ils gardèrent le silence, sous prétexte d’ignorance : preuve évidente qu’ils étaient dans l’impossibilité de mordre : d’où venait cette impossibilité ? Elle venait, vous le comprenez aisément, de ce que leurs dents étaient brisées dans leur bouche.
13. Un pharisien avait invité le Sauveur à un repas ; alors une femme pécheresse entra dans la salle du festin, et se jeta aux pieds de Jésus : le pharisien en fut scandalisé ; et, dans le sentiment de la mauvaise humeur qu’il éprouva contre lui, il s’écria : « Si cet homme était un véritable prophète, il connaîtrait cette femme qui le touche ». O toi, pharisien, qui n’es certainement pas un prophète, comment sais-tu que Jésus ignore quelle est cette femme qu’il voit prosternée devant lui ? À son avis le Sauveur n’observait pas la pureté judaïque, pureté néanmoins tout extérieure, et à laquelle le cœur restait complètement étranger. Mais les pensées de son hôte étaient aussi peu ignorées du Christ que les péchés de cette femme ; aussi lui fit-il la réponse que vous savez. J’abrège : il voulut lui briser les dents dans la bouche. Voici la question qu’il lui adressa : « Deux débiteurs étaient redevables à un homme : l’un devait cinq cents deniers, l’autre cinquante. Comme ils n’avaient ni l’un ni l’autre de quoi s’acquitter de leurs dettes, leur créancier leur fit remise du tout. Lequel des deux l’a aimé davantage ? » Jésus interroge le pharisien et le force à répondre : celui-ci répond de manière à se briser les dents dans la bouche ; il répond, mais confus ; et tandis que la miséricorde divine lui est refusée, la femme pécheresse est admise à en recueillir le bénéfice ; par là tous peuvent s’apercevoir que si elle est entrée avec une sorte de violence, dans une maison étrangère, elle ne s’est pas approchée d’un Dieu étranger[3].
14. « Le Seigneur a brisé leurs dents dans leur bouche. Le Seigneur a brisé les mâchoires des lions », aussi bien que les dents des aspics. Que font les aspics ? Ils sont insidieux ; ils

  1. Mt. 22,17-21
  2. Mc. 11,28-33
  3. Lc. 7,39-50