Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/645

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se glissent secrètement pour lancer plus sûrement leur dard : leur venin se répand et empoisonne pour ainsi dire, avant qu’on s’en aperçoive. Pour les nations, elles se sont ouvertement déclarées contre l’Église ; elles ont rugi comme des lions, « Pourquoi les nations ont-elles frémi ? Pourquoi les peuples ont-ils formé de vains complots[1]? » Quand les adversaires du Sauveur lui tendaient des pièges, et lui demandaient, par exemple, « s’il est permis ou défendu de payer le tribut u à César », ils agissaient à la manière des aspics et des serpents, et, alors, leurs dents se sont brisées dans leur bouche. Plus tard, ils ont crié : « Crucifie-le ! Crucifie-le[2] ! » Ce n’était plus là le langage de l’aspic : c’était le rugissement du lion ; « mais Dieu a aussi broyé les mâchoires des lions ». Ce n’est pas sans motif, peut-être, qu’il n’est pas dit ici « dans leur bouche ». Quand les pharisiens cherchaient par de captieuses questions à prendre Jésus dans ses paroles, ils se trouvaient forcément condamnés par leur propre réponse ; mais lorsqu’ils l’attaquaient brutalement, pouvait-il, lui, les réduire à l’impuissance en les interrogeant à leur tour ? Toutefois, leur mâchoire a été aussi brisée. Après avoir été attaché à la croix, le Sauveur est ressuscité, il est monté au ciel, il est couronné de gloire et adoré de toutes les nations et de tous les rois. Que les Juifs l’attaquent, s’ils le peuvent : ils en sont désormais incapables, car « le Seigneur a broyé les mâchoires des lions ».
15. Les hérétiques nous donnent, comme les Juifs, une preuve et un exemple de ce qu’ils sont. Il nous est impossible d’en douter, ce sont des serpents : assourdis par la fureur, ils ne veulent rien entendre de ce que leur dit le remède préparé par le sage ; aussi le Seigneur a-t-il brisé leurs dents dans leur bouche. Comme ils s’emportent contre nous ! Ne nous accusent-ils pas d’être en quelque sorte des persécuteurs, parce que nous les chassons des églises ? Demande-leur maintenant si l’on doit en exclure les hérétiques, ou leur laisser le droit d’y entrer. Qu’ils répondent ! S’ils disent qu’on ne doit pas les en bannir, les Maximianistes y rentreront aussitôt. Mais pour ne pas y voir revenir les Maximianistes, ils disent qu’il faut en éloigner les hérétiques. Pourquoi alors nous accuser et crier contre nous ? Vos dents seraient-elles brisées dans votre bouche?— Qu’y a-t-il de commun entre les rois et nous, disent-ils ? Qu’y a-t-il de commun entre les empereurs et nous ? Pour vous, vous avez mis en eux votre confiance. – Et moi, je leur demande à mon tour : Qu’avez-vous de commun avec les proconsuls qui sont les envoyés des empereurs ? Qu’y a-t-il de commun entre vous et les lois portées par eux coutre vous ? Les empereurs de notre communion ont édicté des lois contre tous les hérétiques, et ceux qu’ils désignent sous le nom d’hérétiques sont apparemment ceux qui n’appartiennent pas à leur communion ; on ne se tromperait pas, sans doute, en vous rangeant parmi eux. Si ce sont de vraies lois, elles doivent vous être appliquées, puisque vous êtes hérétiques ; si elles sont fausses, pourquoi en requérez-vous l’application à ceux qui se sont séparés de vous ? Veuillez y faire attention, mes frères, et prenez garde à ce que nous venons de dire. Toutes les fois qu’ils ont lutté coutre les Maximianistes pour les chasser, comme schismatiques condamnés par eux, d’églises dont ils étaient maîtres depuis longtemps, puisqu’ils avaient reçu leurs sièges de ceux qui les y avaient précédés, les Donatistes ont eu recours aux lois de l’empire ; ils se sont présentés devant les juges et se sont déclarés catholiques, afin de mieux réussir à déposséder les hérétiques. Pourquoi te dire catholique, pour exclure des hérétiques ? Pour ne pas être chassé toi-même comme ennemi de la foi, ne vaudrait-il pas mieux devenir franchement catholique ? Tu es catholique pour le moment, afin de chasser les hérétiques au moyen de ton nom, car le juge ne peut agir que suivant la teneur de ses lois. Parce qu’ils se sont dits catholiques, on les a admis à plaider. Ils ont accusé d’hérésie les Maximianistes, on leur a demandé leurs preuves : alors ils ont lu les actes du concile de Bagaï, où leurs adversaires avaient été condamnés ; on inséra ces actes dans les registres du proconsul ; il fut prouvé que ces hérétiques ne devaient rester en possession d’aucune église, puisqu’une condamnation avait été prononcée contre eux ; aussi, le proconsul rendit-il une sentence conformément aux lois. Quelles étaient ces lois ? C’étaient celles qui avaient été édictées contre les hérétiques. Dès lors qu’elles frappaient les hérétiques, ou les avait donc aussi portées contre toi, ô Donatiste. – Pourquoi cela ? Je

  1. Ps. 2,1
  2. Mt. 27,23 ; Jn. 19,6