Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/683

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nôtre ; voici en quel sens : C’est qu’il appartient non seulement à ceux qui sont ici présents, mais encore à tous nos frères qui se trouvent répandus dans l’univers depuis l’Orient jusqu’à l’Occident. Comprenez bien ma pensée ; et, pour cela, remarquez-le : le Prophète s’exprime comme s’il était seul ; pourtant, il ne l’était pas, mais ses paroles sont le langage de plusieurs réunis ensemble et ne formant plus qu’un seul tout. Effectivement, nous ne sommes tous qu’un seul homme en Jésus-Christ. La tête en est déjà dans le ciel, tandis que ses membres souffrent encore sur la terre ; et parce que ses membres sont encore souffrants, voici ce que dit cet homme :
2. « O Dieu, écoutez ma demande ; rendez-vous attentif à ma prière[1] ». Qui est-ce qui s’exprime ainsi ? Il semblerait que c’est un homme seul. Vois s’il est seul. « J’ai crié vers vous des extrémités de la terre, lorsque j’avais le cœur pressé de douleur[2] ». Il n’est donc pas seul ; mais ce sont plusieurs qui parlent comme s’ils n’étaient qu’un, parce qu’en réalité il n’y a qu’un Christ, dont nous sommes tous les membres. Un homme, tout seul, pourrait-il élever vers Dieu les cris de sa prière sur tous les points du monde à la fois ? Si donc, des extrémités de la terre, des supplications se dirigent vers le trône de l’Eternel, ce ne peuvent être que les supplications de cet héritage dont le Père a parlé à son Fils, quand il lui a dit : « Demande-moi, et je te donnerai toutes les nations pour héritage, et les extrémités de la terre pour empire[3] ». Voilà la propriété, l’héritage, le corps, l’Église une du Christ, voilà le tout immense, que nous formons, et dont la prière se fait entendre d’un bout de l’univers à l’autre. Quelle est cette prière?je l’ai prononcée tout à l’heure : « O Dieu, écoutez ma demande ; soyez attentif à ma prière ; j’ai crié vers vous des extrémités de la terre ». Voilà ma prière, je vous l’ai adressée des extrémités du monde, de tous les points de l’univers.
3. Mais pourquoi ai-je ainsi crié vers vous ? « Lorsque j’avais le cœur pressé de douleur ». Ainsi, l’Église montre-t-elle que si sa diffusion au milieu de tous les peuples du monde est pour elle le sujet d’une grande gloire, elle y trouve aussi la source de grandes épreuves. L’épreuve est, en effet, La condition obligée de notre pèlerinage sur la terre ; car notre avancement dans la voie du bien en est le résultat. Aucun d’entre nous ne peut ni se connaître sans être éprouvé, ni recevoir la couronne sans avoir remporté la victoire, ni vaincre sans combat, ni combattre sans avoir à supporter un ennemi ou des tentations. C’est pourquoi le Christ est accablé d’angoisses sur tous les points de l’univers ; mais il n’est pas, pour cela, délaissé. Nous sommes son corps mystique, et il nous a préfigurés dans ce corps matériel dont il s’est revêtu, avec lequel il est mort, ressuscité et monté au ciel ; et, par là, il a voulu nous donner l’espérance d’aller un jour nous réunir à notre chef, puisque nous sommes ses membres. Il nous a donc figurés en sa personne, quand il s’est laissé tenter par le démon[4]. Nous lisions tout à l’heure dans l’Évangile que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été tenté par Satan dans le désert ; il n’y a aucun doute à élever sur la réalité de cette tentation du Sauveur par le démon, et tu étais toi-même tenté en Jésus-Christ, car il t’avait emprunté la chair de ton corps, et il devenait pour toi le principe du salut ; il avait puisé la mort en toi, et il te communiquait la vie, à cause de toi, il a subi toutes sortes d’outrages ; à cause de lui, tu es arrivé à la gloire ; de ta part lui venait donc la tentation, et de la sienne venait la victoire. Si nous avons subi, en sa personne, l’épreuve de la tentation, nous y avons aussi vaincu Satan. Tu remarques que le Christ a été tenté ; ne vois-tu pas qu’il est sorti victorieux du combat ? Par conséquent, si tu es, avec lui, soumis à l’épreuve, souviens-toi aussi qu’avec lui tu en triompheras. Il aurait pu empêcher l’esprit malin de s’approcher de lui ; mais s’il n’avait pas été tenté, il n’aurait pu t’apprendre à le suivre dans le chemin de la victoire, Il n’est donc pas étonnant de l’entendre élever la voix dans les pays du monde, puisqu’il s’y voit exposé à une multitude d’épreuves. Mais d’où vient qu’il n’y succombe pas ? Ah ! c’est que « vous m’avez élevé sur la pierre ferme ». Il nous est maintenant facile de reconnaître celui qui élève la voix des extrémités de la terre. Rappelons-nous les paroles de l’Évangile : « Sur cette pierre, je bâtirai mon Église[5] ». C’est donc cette Église, qu’il a voulu bâtir sur la pierre, c’est cette Église qui crie vers Dieu de tous les pays du monde. Qui est-ce qui est devenu cette pierre sur laquelle l’Église

  1. Ps. 60,2
  2. Id. 3
  3. Id. 2,8
  4. Mt. 4,1
  5. Id. 16,18