Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/684

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devait être bâtie ? Écoute saint Paul, il va te l’apprendre : « La pierre, c’était le Christ[1] ». C’est donc sur Jésus-Christ que nous avons été élevés. Voilà pourquoi cette pierre sur laquelle nous avons été édifiés, a été la première frappée des vents, des flots et de la pluie[2], au moment où le démon tentait le Sauveur dans le désert. Telle est la base inébranlable sur laquelle il a voulu te placer : aussi notre prière, loin d’être inutile, est-elle exaucée, puisque nous avons, dans la place où il nous a mis, le plus puissant motif d’espérer. « Vous m’avez élevé sur la pierre ferme ».
« Vous m’avez conduit, parce que vous êtes devenu mon espérance ». Si le Christ n’était pas devenu le principe de notre espérance, il ne nous conduirait pas. Chef, il nous guide ; voie, il nous fait marcher en lui ; patrie, il nous dirige vers lui-même. Il nous mène donc, et pourquoi ? Parce qu’il est notre espérance. Pourquoi est-il notre espérance ? Parce qu’il a été tenté, qu’il a souffert et qu’il est ressuscité ; je vous l’ai dit tout à l’heure. Lorsque l’Écriture nous parle de ses tentations, de ses souffrances et de sa résurrection, que nous disons-nous à nous-mêmes ? Il est impossible que Dieu nous condamne, après nous avoir envoyé son Fils pour lui faire subir la tentation, le crucifiement et la mort, et le faire sortir vivant du tombeau ; il est impossible que Dieu ne tienne de nous aucun cas, puisqu’à cause de nous il n’a pas épargné son propre Fils, et qu’il l’a livré pour nous tous[3]. C’est ainsi que le Christ est devenu notre espérance. En lui, tu vois les peines que tu as à supporter, et la récompense que tu obtiendras ; sa passion est l’image des unes ; sa résurrection, l’image de l’autre. Ainsi, encore une fois, est-il devenu le sujet de notre espérance. Il y a, pour nous, deux sortes de vie : l’une, qui est maintenant notre partage ; l’autre, qui n’est encore que l’objet de nos espérances ; nous connaissons celle-ci, puisque nous en jouissons ; l’autre nous est inconnue, puisque nous ne la possédons pas encore. Supporte les épreuves de la vie présente, et tu acquerras la vie future. Et comment supporter les épreuves de la vie présente ? De manière à ne point succomber à la tentation. Par ses épreuves, ses tentations, ses souffrances et sa mort, le Christ t’a fait connaître le caractère de notre vie terrestre ; il t’a appris aussi, par sa résurrection, quelle sera la vie éternelle. Nous savions, en effet, que l’homme naît et meurt ; mais nous ne savions que cela, car nous ignorions qu’il dût ressusciter pour vivre toujours : le Christ a pris la vie que tu connaissais ; et il t’a fait connaître celle dont tu n’avais pas l’idée. Il est donc devenu notre espérance au milieu des tribulations et des épreuves de notre pèlerinage terrestre. « Nous nous glorifions dans les souffrances », dit l’apôtre saint Paul, « sachant que l’affliction produit la patience, que la patience produit la pureté, et que la pureté produit l’espérance. Or, l’espérance ne confond point, parce que la charité est répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit, qui nous a été donné[4] ». Celui qui nous a donné le Saint-Esprit est donc devenu le principe de notre espérance, et dans ce pèlerinage terrestre, nous nous dirigeons vers ce qui en fait l’objet, ce qui n’aurait pas lieu, si elle ne remplissait nos âmes. En effet, l’Apôtre ne dit-il pas : « Il n’y a personne pour espérer ce qu’il a sous les yeux ; si, maintenant, nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous en espérons, avec patience, l’entrée en possession ? » et encore : « Nous avons été sauvés par l’espérance[5] ? »
5. « Vous m’avez conduit, parce que vous « êtes devenu mon espérance. Vous êtes, pour moi, en face de l’ennemi, une forte tour ». Des extrémités de la terre, l’ensemble des fidèles fait entendre ces cris : Mon cœur est accablé d’angoisses, et mon existence se passe à lutter, sans cesse, contre les tentations et les scandales ; les païens me portent envie, parce que j’ai triomphé d’eux ; afin de me tendre plus facilement des pièges, les hérétiques se servent du nom chrétien comme d’un manteau pour mieux tromper sur leurs intentions ; le froment est cruellement tourmenté par la paille, dans le sein même de l’Église ; le cœur torturé d’angoisses au milieu de tant d’épreuves, j’élèverai, vers le trône de l’Eternel, les accents de ma prière ; je les lui ferai entendre sur tous les points du monde. Celui qui m’a placé sur la pierre ferme, pour me conduire jusqu’à lui, ne me délaissera pas ; je lutte sans cesse, le démon me tend des embûches partout, toujours, en toute occasion, mais le Seigneur n’est-il pas pour moi une tour inexpugnable ?

  1. 1 Cor. 10,4
  2. Mt. 7,24-25
  3. Rom. 8,32
  4. Rom. 5,3-5
  5. Id. 8,24