Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/130

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Mais comme c’est à nous que revient l’avantage de louer le Seigneur, c’est par un effet de ses miséricordes, et non de ses exigences qu’il nous ordonne de le faire. Écoutons donc ce qu’il nous dit : « Louez le nom du Seigneur, louez-le, vous qui le servez ». Rien n’est plus juste pour des serviteurs que de louer leur maître. Quand vous seriez destinés à servir à jamais, vous devriez toujours bénir le souverain maître ; à combien plus forte raison devez-vous le bénir tant que vous êtes serviteurs, afin de mériter d’être ses enfants !
2. Mais il est écrit dans un autre psaume : « C’est aux cœurs droits que convient la louange[1] » ; puis dans un autre endroit : « Ce n’est point à la bouche du pécheur qu’il sied de louer Dieu[2] » ; et ailleurs encore : « Je trouve mon honneur dans le sacrifice de louange, et telle est la voie dans laquelle je lui montrerai le salut de Dieu[3] » Et un peu après : « Dieu a dit au pécheur : Pourquoi raconter mes justices, et faire passer mon alliance par ta bouche ? Toi qui as pris en haine mes lois, et rejeté loin de toi mes discours[4] ». Or, de peur que cette parole : « Louez le Seigneur, vous qui le servez », ne fasse croire à quelque mauvais serviteur qui pourrait se trouver dans cette grande famille, qu’il lui est avantageux de louer le Seigneur, voilà que le Psalmiste ajoute pour caractériser ceux qui doivent louer le Seigneur : « Vous tous qui vous tenez debout dans la maison du Seigneur, dans le parvis de la maison de notre Dieu[5] ». « Qui vous tenez debout », non pas qui tombez. Or, on dit de ceux-là qu’ils se tiennent debout qui persévèrent dans la pratique des commandements, qui servent Dieu avec une foi sans déguisement, une espérance ferme, une charité sincère, qui honorent l’Église, sans donner par une vie honteuse aucun scandale à ceux qui veulent y venir et qui se heurtent souvent en chemin contre la pierre d’achoppement. Donc, « ô vous qui vous tenez debout dans la maison du Seigneur, louez le nom du Seigneur ». Témoignez votre reconnaissance, car vous étiez dehors, vous voilà debout dans l’intérieur. Donc, puisque vous voilà debout, est-ce peu pour vous que l’objet de vos louanges vous ait relevés quand vous étiez couchés, vous ait fait tenir debout dans sa maison, qu’il vous ait donné de le connaître, de le louer ? Est-ce donc pour nous un chétif bienfait que d’être fermes dans la maison du Seigneur ? Ne devons-nous pas reconnaître la bonté de Dieu qui nous a placés ici pendant notre exil, dans cette maison qui est le tabernacle de l’exil, et où nous sommes debout ? Ne devons-nous point penser d’où nous vient cette fermeté ? Ne faut-il point comprendre que tous les impies ne cherchent point le Seigneur, et qu’il a trouvé lui-même ceux qui ne le cherchaient point, qu’en les trouvant il les a relevés, qu’en les relevant il les a appelés, qu’en les appelant il les a introduits, et les a fait tenir fermes dans sa maison ? Quiconque médite ces pensées, et n’est point ingrat, se méprise par amour pour Dieu qui lui a fait tant de grâces. Et comme il n’a rien à rendre au Seigneur pour de tels bienfaits, que lui reste-t-il, sinon de rendre grâces, sans pouvoir s’acquitter ? Or, l’action de grâce consiste à prendre le calice du Seigneur et à bénir son nom. Que peut donner un serviteur à son maître en échange des biens qu’il en a reçus[6] ? Donc, « ô vous qui êtes fermes dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu, bénissez le Seigneur[7] ».
3. Mais que vous dirai-je pour vous inviter à louer le Seigneur ? « Que le Seigneur est bon ». Un seul mot renferme toute la louange du Seigneur : « Le Seigneur est bon ». Mais bon, non point de cette bonté que l’on retrouve dans ses créatures. Car le Seigneur a fait très bonnes toutes ses œuvres[8] ; non seulement bonnes, mais très bonnes. Le ciel, la terre et tout ce qu’ils renferment, voilà des œuvres bonnes, et même très bonnes. Mais si toutes ces œuvres de Dieu sont bonnes, quelle doit être la bonté de celui qui les a faites ? Et toutefois, quelle que soit la bonté des créatures, bien que la bonté du Créateur soit incomparablement plus grande, on ne trouve à dire de lui rien de mieux, sinon que « le Seigneur est bon », pourvu que l’on comprenne que de cette bonté vient tout ce qui est bon. Car c’est lui qui a lait tout ce qui est bon ; tandis que sa bonté ne lui vient de personne. Il est bon par sa bonté même, et n’emprunte nullement la bonté d’ailleurs ; il est bon par lui-même, et non en demeurant attaché à quelque autre bien. « Pour moi, il m’est bon de m’attacher à Dieu[9] » qui,

  1. Ps. 32,1
  2. Sir. 15,9
  3. Ps. 49,23
  4. Ps. 51,16-17
  5. Id. 134,2
  6. Ps. 115,12-13
  7. Id. 134,3
  8. Gen. 1,31
  9. Ps. 72,28