Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/137

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peuple. « C’est lui qui a frappé les premiers-nés de l’Égypte[1] ». Tout cela est écrit de Dieu afin de te le faire aimer, et non écrit pour te le faire craindre. Mais vois que dans sa colère il fait aussi sa volonté. « Il a frappé les premiers-nés de l’Égypte, depuis l’homme jusqu’à la bête. Il a envoyé ses signes et ses prodiges au milieu de toi, ô Égypte[2] ». Vous connaissez tout cela ; vous avez lu tout ce que la puissance du Seigneur a opéré en Égypte par Moïse, pour effrayer, pour frapper, pour humilier les Égyptiens orgueilleux. « Contre Pharaon, et contre tous ses serviteurs ». C’est peu de ce qui arriva en Égypte ; qu’a-t-il fait pour son peuple après l’en avoir tiré ? « Il a frappé plusieurs nations », qui possédaient cette terre que Dieu voulait donner à son peuple. « Il a tué de puissants rois : Seon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan, et tous les royaumes de Chanaan[3] ». Tous ces faits que le Psalmiste, ne fait qu’effleurer sont racontés dans les autres livres sacrés, et le Seigneur signala sa puissance. À la vue de ses vengeances contre les impies, crains pour toi-même. Car Dieu ne les a exercées que pour te les faire éviter, te détourner de leurs voies, et t’exempter de sa colère. Considère néanmoins que la vengeance du Seigneur est sur toute chair. Ne t’imagine point qu’il ne voie point tes fautes, ou qu’il te méprise, ou qu’il dorme : vois dans tes lectures les preuves de ses bienfaits, et crains à la lecture de ses vengeances. Il est tout-puissant, et pour consoler, et pour châtier. De là vient l’utilité de ces lectures. Or, quand un homme de bien voit ce qu’a souffert un méchant, il se purifie de toute malice, de peur de tomber dans une telle épreuve, un tel châtiment. Ces lectures donc vous sont très utiles. Qu’a fait ensuite le Seigneur ? Il a chassé les impies, « et a donné leur terre en héritage, pour être l’héritage d’Israël son serviteur[4] ».
15. Voici maintenant les transports de la louange : « Seigneur, votre nom subsistera éternellement[5] » après tout ce que vous avez fait. Que vois-je en effet dans vos œuvres ? J’élève mes regards sur votre création dans le ciel, je considère cette partie la plus basse que nous habitons, et j’y vois vos bienfaits dans les nuées, dans les vents, et dans les pluies. Je considère votre peuple : vous l’avez tiré de la maison de la servitude, vous avez fait éclater vos merveilles au milieu de ses ennemis, vous l’avez vengé de ceux qui le persécutaient, vous avez chassé les impies de leur terre, vous avez tué leurs rois et donné leur terre à votre peuple : voilà ce que j’ai vu, et, plein de vos louanges, j’ai dit : « Seigneur, votre nom subsistera éternellement ».
16. Nous voyons à la lettre ce que le Prophète vient de marquer, nous le savons, nous en louons Dieu. Mais s’il y a dans tout cela des symboles, ne vous impatientez point quand je vous les explique de mon mieux. Voilà que l’on peut appliquer aux hommes ce que le Prophète a dit de Dieu qu’« il a fait dans le ciel : et la terre tout ce qu’il a voulu ». La voûte céleste désigne les hommes spirituels, et la terre les hommes charnels : ces deux catégories forment l’Église de Dieu, comme le ciel et la terre, et aux spirituels appartient la prédication, comme l’obéissance aux hommes charnels. Car « les cieux aussi annoncent la gloire de Dieu, et le firmament publie l’œuvre de ses mains[6] ». Car si la terre de Dieu ne désignait pas son peuple, l’Apôtre ne dirait point : « Vous êtes l’édifice de Dieu, vous êtes le champ qu’il cultive ; comme un sage architecte, j’ai posé le fondement, mais un autre bâtit dessus[7] ». Nous sommes donc l’édifice du Seigneur, le champ du Seigneur. « Quel est l’homme », dit-il, « qui plante une vigne, et qui n’en récolte pas le fruit ? Moi j’ai planté, Apollo a arrosé, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement[8] ». Doive, aussi bien que dans le ciel et sur la terre, le Seigneur a fait tout ce qu’il a voulu dans son Église, et dans ses prédicateurs, et dans ses peuples. C’est peu que Dieu l’ait fait dans ceux-là, « il a fait dans la mer et dans tous les abîmes, selon ses volontés ». La mer désigne tous les infidèles qui n’ont pas encore la foi ; et Dieu a fait en eux selon sa volonté. Les infidèles ne sévissent que par la permission de Dieu, et quand ils sont dépravés, on ne tire d’eux aucune vengeance que ne la permette celui qui a fait toutes les nations. Parce que la nier est la mer, et non la terre, peut-elle donc pour cela se soustraire à la puissance de Dieu ? « Il a fait selon sa volonté et dans la mer et dans tous les abîmes ». Quels sont les abîmes ? Le secret des cœurs chez les mortels, les profondes

  1. Ps. 134,8
  2. Id. 9
  3. Id. 10,11
  4. Id. 12
  5. Id. 17
  6. Ps. 18,2
  7. 1 Cor. 3,9-10
  8. Id. 9,7 ; 3,6