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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/159

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nous n’oserions même soupçonner sans les promesses de l’infaillible vérité. Portez donc là vos désirs, mes frères, que ce soit jour et nuit l’objet de vos pensées. Quelque bonheur qui vous sourie dans le monde, ne vous en élevez point ; ne raisonnez point avec vos convoitises. Votre ennemi est-il grand ? tuez-le contre la pierre ; est-il petit ? brisez-le contre la pierre ; grands ou petits, tuez-les, brisez-les contre la pierre. Que la pierre triomphe ; bâtissez sur la pierre, si vous ne voulez être emportés ou par le fleuve, ou par l’ouragan, ou par les pluies. Afin de vous armer contre les séductions du monde, faites croître et grandir dans vos cœurs le désir de la Jérusalem éternelle. À la captivité qui passera, succédera le bonheur, le dernier ennemi sera vaincu, et, affranchis de la mort, nous triompherons avec notre roi.


DISCOURS SUR LE PSAUME 137

SERMON AU PEUPLE EN LÀ FÊTE DE SAINTE CRISPINE.

GLOIRE A DIEU.

Le psaume est une confession, non des péchés, mais des louanges, comme celle de Jésus-Christ dans l’Évangile ; et confesser Dieu de tout son cœur, c’est lui offrir un holocauste de louanges, ou le sacrifice parfait, qui est le chant avec les anges, ou du ce bonheur spirituel que l’on peut goûter ici-bas, même au milieu des tourments, qui est offert à Dieu dans son temple ou dans l’âme, et dans les biens qu’il nous a procurés. Nous confesserons la miséricorde qui prend le pécheur en pitié, et nous incline vers les pauvres, et la vérité par laquelle Dieu accomplit ses promesses, et que nous devons exercer dans nos jugements. Dieu a glorifié son saint nom en choisissant la race d’Abraham, d’où est issu le Christ qui a envoyé les apôtres prêcher l’Évangile. Hâtez-vous de m’exaucer, dit le Prophète qui sait ce qu’il doit demander à Dieu, qui demande, comme Crispine, les biens éternels. Il demande en effet la multiplication, non de la famille, ni des richesses, mais de son âme. Les vices sont dans l’âme, et le Prophète veut être multiplié en vertu. – Rois de la terre, confessez Dieu : c’est ce qu’ils font chaque jour ; qu’ils s’humilient parce qu’ils ont entendu les oracles des Écritures, aujourd’hui prêchées sur toute la terre, comme le figurait à Gédéon l’aire trempée de rosée. Qu’ils chantent, non leur gloire, mais celle de Dieu ; qu’ils soient humbles, parce que Dieu regarde favorablement les humbles, et ne voit les orgueilleux que de loin ou en s’éloignant d’eux. Marcher dans la tribulation, c’est marcher en cette vie qui est pleine de tribulations, et la vie éternelle est au prix de notre patience. La main de Dieu ou bien s’appesantit sur nous à cause du péché, ou bien nous venge de ceux qui nous insultaient et dont plusieurs ont embrassé la foi ; sa droite nous sauve, parce que sa droite est la place des bonnes œuvres, tandis que la gauche est celle des biens d’ici-bas que Dieu n’accorde pas toujours à ses élus. Seigneur, vous rendrez pour moi, c’est-à-dire vous me vengerez de mes ennemis, ou vous payerez ma dette envers le Seigneur, car le Christ qui ne devait rien, a payé pour nous. La miséricorde du Seigneur est pour l’éternité et non pour un temps : puisse-t-il ne pas mépriser l’ouvrage de ses mains !


1. Le titre de notre psaume est court et simple : il ne nous arrêtera point, car nous connaissons celui que figurait David, et même nous nous reconnaissons en lui, puisque nous sommes les membres de son corps. Reconnaissons donc ici la voix de l’Église et réjouissons-nous d’être les enfants de celle que nous avons entendu chanter. Tout le titre du psaume est dans ces mots : « A David lui-même ». Voyons ce qui est dit à David.
2. « Je vous confesserai, Seigneur, dans toute l’effusion de mon âme[1] ». Le titre d’un psaume nous en indique ordinairement le sens intime : mais ici, comme il se borne à nous dire que c’est un chant pour David, c’est le premier verset qui nous indique le sujet de tout le psaume. « Je vous confesserai, Seigneur, dans toute l’effusion de mon âme ». Écoutons donc cette confession. Mais auparavant je vous rappelle que dans les saintes Écritures, cette expression, confesser au Seigneur, s’entend de deux manières, d’une confession des péchés, et d’une confession de louanges. Chacun connaît la confession des péchés, mais il en est peu pour connaître la confession de louanges. La première est tellement connue que quand nous rencontrons dans les Écritures

  1. Ps. 137,1