Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/177

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 de l’éclat terrible de votre magnificence ». « Votre magnificence est terrible » u, Seigneur, puisque nous en admirons l’éclat, et que notre joie est mêlée de crainte. Nous craignons en effet qu’en nous élevant de vos dons, nous ne méritions de perdre ce que nous avions obtenu par l’humilité. « Je vous confesserai, parce que l’éclat de votre magnificence est terrible ; vos œuvres sont admirables, et mon âme le sait ». Mon âme le sait très bien depuis que vous m’avez reçu dès le sein de ma mère ; mais auparavant votre science était trop élevée au-dessus de moi, je n’y pouvais atteindre. Elle me surpassait, et me laissait dans l’impuissance. D’où vient que maintenant cette âme connaît vos œuvres, sinon parce que la nuit a pour moi une lumière dans mes délices ? sinon parce que vous êtes maître de mes reins ? sinon parce que vous m’avez reçu dès le sein de ma mère ?
20. « Mes ossements que vous avez formés en secret ne vous sont point cachés[1] ». Le mot latin os veut dire ici ossement, c’est ce que nous indique le grec Ostoun ; autrement, en effet, on pourrait croire qu’il fait ora au pluriel, et le traduire par bouche, et non os qui fait ossa. « Mes ossements donc », dit le Prophète, « que vous avez faits en secret, ne vous sont point inconnus ». J’ai donc certains ossements secrets ; parlons plutôt ainsi, et disons ossum: il vaut mieux être fautif en grammaire que inintelligible pour le peuple. Donc, dit le Prophète, j’ai un ossement secret, c’est vous qui avez fait cet ossement secret, et qui n’est point secret pour vous. Vous l’avez caché, mais l’avez-vous caché pour vous-même ? Cet os que vous m’avez fait en secret, les hommes ne le voient pas, ne le connaissent pas ; mais vous le connaissez, vous qui l’avez fait. De quel ossement veut-il parler, mes frères ? Cherchons-le, il est dans le secret. Mais comme nous parlons en chrétiens, et à des chrétiens, nous trouverons bientôt de quel os il est question. C’est la force intérieure ; car la solidité, la force, est désignée par les ossements, Il y a donc une force intérieure de l’âme, dès qu’on ne se laisse point abattre. Que les tourments, que les tribulations, que les difficultés du siècle viennent à sévir, la force invisible qui nous vient de Dieu ne saurait être abattue, et ne cède point. C’est de Dieu que nous vient cette force de patience, dont il est dit dans un autre psaume : « Toutefois, mon âme sera soumise à Dieu, car c’est de lui que me vient la patience[2] ». Écoute aussi l’apôtre saint Paul, qui a bien cette force : « Comme tristes, et néanmoins toujours dans la joie[3] ». D’où vient la tristesse ? Des injures, des opprobres, des fléaux, des plaies, des lapidations, des emprisonnements et des chaînes. Or, les persécuteurs eux-mêmes ne les persécuteraient point s’ils n’espéraient les affliger. Eux qui n’avaient point une force intérieure, jugeaient les autres d’après leur propre faiblesse ; mais les persécutés qui avaient cette force, paraissaient tristes à l’extérieur, et se réjouissaient en Dieu à qui n’échappait point cet ossement secret que lui-même avait fait en eux. Cet ossement secret que Dieu nous a fait, saint Paul nous en parle clairement dans ces paroles : « Non seulement nous sommes dans la joie, mais nous nous réjouissons dans les tribulations ». C’est peu de n’être point triste, tu vas jusqu’à te glorifier ? Qu’il te suffise de n’être point triste. C’est peu pour des chrétiens, dit l’Apôtre, mais tels sont les ossements que Dieu m’a faits dans le secret, que si je ne me glorifie, c’est peu de n’être point abattu. De quoi nous glorifier ? des tribulations ; car nous savons que la tribulation engendre la patience. Vois comment cette force a été consolidée dans notre cœur : « Nous savons que la tribulation engendre la patience, la patience la pureté, la pureté, l’espérance ; or, l’espérance n’est pas vaine, car l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[4] », Ainsi a été formé cet ossement secret, qui est solide jusqu’à nous faire un titre de gloire de nos tribulations. Mais les hommes nous croient malheureux, parce qu’ils ne connaissent point notre force intérieure. « L’ossement que vous m’avez fait cri secret n’est point secret pour vous, et ma substance est dans les entrailles de la terre ». Ma substance donc est dans ma chair, ma substance est dans les entrailles de la terre et toutefois j’ai au dedans de moi un os que vous avez formé, qui m’empêchera de céder aux persécutions de ce bas monde, où est aussi ma substance. Qu’y a-t-il d’étonnant que l’ange ait de la force ? Ce qui est surprenant,

  1. Ps. 138,15
  2. Ps. 61,6
  3. 2 Cor. 6,10
  4. Rom. 5,3-5