appellent Dieu pour les couronner, les autres veulent secouer son joug parce qu’il doit les condamner. Quant à l’homme d’iniquité, qui ne veut point avoir le Seigneur pour son Dieu, où fuira-t-il le Dieu de tous ? Le bien pour lui est de se convertir au Dieu de tous, et par cette conversion d’en faire son Dieu, et au milieu de tant de criminels, de séducteurs, d’hypocrites, d’orgueilleux, de dire à Dieu devenu son Dieu par sa conversion : « J’ai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu, Écoutez, e Seigneur, la voix de mes supplications », Ces paroles sont simples, faciles à comprendre ; et pourtant il y a un certain intérêt à se demander pourquoi le Prophète n’a pas dit : « Écoutez ma prière », et comment il semble donner plus d’expression au sentiment de son cœur, quand il dit : « La voix de ma prière », ce qui donne la vie à ma prière, ce qui l’anime, non point le son de mes paroles, mais la vie de mes paroles. Tout autre bruit sans âme peut bien s’appeler un son ; mais pas une voix. La voix, en effet, est le propre des êtres animés, vivants. Combien sont nombreux ceux qui prient Dieu, sans avoir le sentiment de Dieu, une pensée digne de Dieu ! Ils peuvent avoir le son de la prière, mais non la voix de la prière, puisque leur prière est sans vie. Elle avait donc une voix, la prière de notre interlocuteur ; car il vivait, il comprenait que Dieu était son Dieu, il voyait qu’il le délivrerait, et il sentait de quels maux il serait délivré.
11. Pour la signaler donc à l’oreille de Dieu, qu’il s’écrie : « Seigneur, Seigneur ». Vous Seigneur, Seigneur, c’est-à-dire vous qui êtes véritablement Seigneur, non Seigneur à la manière des hommes, non Seigneur comme ceux qui achètent à prix d’argent, mais Seigneur qui nous avez rachetés de votre sang. « Seigneur, Seigneur, vous, la force de mon salut[1] » ; c’est-à-dire qui donnez la force à mon salut. Qu’est-ce à dire « la force de mon salut ? » Le Prophète se plaignait des scandales et des pièges des pécheurs, de ces hommes pervers apostés par le diable pour aboyer autour de lui et tendre des embûches, de ces orgueilleux jaloux des justes, au milieu desquels nous sommes forcés de vivre tant que nous sommes ici-bas dans l’exil. Le Sauveur lui-même nous a prédit qu’il y aura beaucoup de semblables scandales quand il dit : « L’iniquité doit abonder, et parce que l’iniquité abondera, la charité se refroidira dans plusieurs ». Mais il ajoute, pour nous consoler : « Quiconque aura persévéré jusqu’à la fin sera sauvé[2] ». L’interlocuteur a donc tout considéré, et saisi de crainte à la vue de tant d’iniquités, il se réfugie dans l’espérance ; car celui-là sera sauvé qui aura persévéré jusqu’à la fin. Il fait des efforts pour persévérer, et voyant combien la route est longue et difficile, il invoque celui qui lui ordonne de persévérer, afin d’obtenir la persévérance parfaite. Je serai certainement sauvé, dit-il, si je persévère jusqu’à la fin ; mais la persévérance qui seule peut me donner le salut est une force ; vous donc, Seigneur, qui êtes la force de mon salut, c’est vous qui me faites persévérer pour arriver au salut. « Seigneur, Seigneur, vous êtes la force de mon salut ». Mais d’où vient que j’espère que vous êtes pour moi la force du salut ? « Votre ombre a protégé ma tête au jour du combat ». Maintenant encore je suis en guerre ; guerre au-dehors contre les faux justes, guerre au dedans contre mes convoitises : « Car je vois dans mes membres une autre loi, contraire à la loi de l’esprit, et qui me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur[3] ». Donc, fatigué de cette guerre, il jette les yeux sur les faveurs de Dieu, et comme la chaleur du combat épuise ses forces, il semble qu’il trouve un ombrage qui lui rend la vie : « Votre ombre a protégé ma tête au jour du combat », c’est-à-dire dans l’ardeur du combat, de peur que je ne fusse épuisé par la fatigue.
12. « Seigneur, en considération de mon désir, ne m’abandonnez pas au péché[4] ». C’est le bien que doit me procurer votre ombrage ; il éteindra en moi les ardeurs qui me consumeraient. Et quelle force aurait contre moi l’impie en dépit de ses fureurs ? Les méchants ont sévi contre les martyrs, ils les ont emmenés, chargés de chaînes, jetés en prison, frappés du glaive, exposés aux bêtes, consumés dans les flammes. Voilà ce qu’ils ont fait ; mais Dieu ne les a point livrés aux pécheurs, parce qu’ils ne s’y sont point livrés par leur désir. Telle est donc la grâce qu’il
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