Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/190

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ces charbons de feu ? Nous connaissons des charbons ; mais sont-ils différents de ceux dont nous allons parler ? Ceux-ci me paraissent un châtiment, tandis que ceux dont nous avons parlé sont un moyen de salut. L’Écriture, en effet, nous parle de charbons à propos d’un homme qui cherche du secours contre es langues trompeuses : « Que vous donnera-t-on, ou comment vous défendre contre une langue trompeuse ? Les flèches aiguës du Tout-Puissant avec des charbons désolateurs[1] », c’est-à-dire la parole de Dieu qui traverse les cœurs, y fait mourir le vieil homme et naître l’amour, les exemples des hommes qui sont morts pour reprendre une vie nouvelle, qui étaient noircis par le vice, et ont brillé par la vertu. Des charbons, en effet, sont les ténèbres, la couleur l’indique. Mais quand la flamme de la charité en approche, et qu’ils revivent de morts qu’ils étaient, qu’ils écoutent ce que leur dit saint Paul : « Vous étiez autrefois ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur[2] ». C’est sur de tels charbons, mes frères, que nous jetons les yeux quand, blessés par les flèches du Seigneur, nous voulons changer de vie, et que nous en sommes détournés par les langues perverses des hommes, dont le Prophète se plaignait tout à l’heure. Ils s’efforcent de nous éloigner de la voie de la vérité, de nous porter à préférer leurs erreurs, et noms disent que si nous entreprenons une vie plus sainte, nous ne pourrons achever. Nous jetons alors les yeux sur ces charbons, et voilà que celui qui n’était hier qu’un ivrogne est sobre aujourd’hui ; tel hier était adultère, qui aujourd’hui est chaste ; tel autre voleur hier est aujourd’hui bienfaisant. Ce sont là tous des charbons de feu. Or, l’exemple de ces charbons nous fait des blessures avec les flèches du Seigneur, et je ne crains pas de dire blessures, quand l’Épouse des Cantiques s’écrie : « L’amour m’a blessé[3] ». Alors la paille est incendiée, et de là vient que ces charbons sont appelés désolateurs. Ils consument le foin, mais ils purifient l’or. L’homme alors passe de la mort à la vie, et devient lui-même un charbon ardent, comme autrefois l’Apôtre, qui d’abord était persécuteur, blasphémateur, véritable ennemi, un charbon noir et éteint ; mais une fois qu’il eut obtenu miséricorde[4], il fut rallumé par le souffle du ciel ; la voix du Christ lui donna une vie nouvelle, nulle tache de noirceur ne demeura en lui, et il embrasa les autres de la flamme qui embrasait son cœur. Est-ce donc ainsi qu’il nous faut comprendre ces charbons de feu qui doivent tomber suries méchants, et les renverser ? Rien ne nous empêche de l’entendre ainsi. J’entrevois dans ces paroles un sens qui est assez probable, et irrépréhensible. J’entends que ces charbons tomberont sur eux pour les renverser, mais ils tomberont sur les uns pour les allumer, sur les autres pour les renverser. Car ce charbon rallumé l’a dit : « Aux uns, nous sommes une odeur de mort pour la mort ; aux autres, une odeur de vie pour la vie[5] ». Ils voient les justes au cœur enflammé, à la lumière éclatante, et l’envie contre eux les fait tomber. Voilà ce que signifient ces charbons de feu qui tombent sur eux sur la terre, et qui les renversent. Qu’est-ce à dire, sur la terre ? Pendant qu’ils sont encore en cette vie ; outre cette peine qui est réservée aux impies, ces charbons les renversent, avant qu’ils encourent les flammes éternelles. « Des charbons enflammés tomberont sur eux, ici-bas, et les renverseront. Ils ne pourront subsister dans leurs misères ». Le malheur fondra sur eux, et ils ne pourront le supporter ; quant au juste, il se tient debout dans le malheur, comme se tient debout celui qui nous dit « Nous nous glorifions dans nos tribulations, sachant que la tribulation engendre la patience, la patience la pureté, la pureté l’espérance ; or, l’espérance n’est point confondue, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[6] ». Mais sur les hommes dont nous parlons, que l’affliction, que la misère tombe sur eux, et ils ne peuvent la supporter, ils tombent, Et quand ils ne peuvent supporter les malheurs qui viennent tondre sur eux, ils tombent dans le crime, parce qu’ils sont livrés au pécheur, abandonnés à leurs désirs.
15. « Le grand parleur ne marchera point droit sur la terre[7] ». Le grand parleur aime le mensonge. Quel est en effet son plaisir, sinon de parler ? Peu lui importe ce qu’il dise, pourvu qu’il parle. Or, un tel homme ne saurait toujours marcher droit. Mais, comment doit être un serviteur de Dieu enflammé

  1. Ps. 119,3-4
  2. Eph. 5,8
  3. Cant. 2,5
  4. 1 Tim. 1,13
  5. 2 Cor. 2,16
  6. Rom. 5,3-5
  7. Ps. 139,12