Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/207

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vrai, et sont des martyrs ; beaucoup de Prophètes sont morts de la sorte, et toutefois ils ne mouraient point parce qu’ils annonçaient le Christ, mais parce qu’ils reprochaient aux hommes leurs péchés, qu’ils s’opposaient à leurs désordres avec une sainte liberté. On les regarde comme des martyrs, et avec raison ; car s’ils ne sont point morts pour confesser le nom du Christ, ils sont morts pour la vérité. Il est si vrai que nul n’est mort pour le nom du Christ, c’est-à-dire pour confesser le nom du Christ, avant que ce grain ne tombât sur la terre, lui qui dit ici : « Je suis seul, jusqu’à ce que j’aie passé », que Jean lui-même, qu’on venait de mettre à mort, et qu’un roi impie venait d’immoler à une jeune danseuse, n’est point mort pour avoir confessé le Christ. Il pouvait être mis à mort pour ce sujet et par plusieurs. Si un seul homme l’a fait mourir, et pour un autre motif, à combien plus forte raison pouvait-il être mis à mort par tous ceux qui mirent à mort le Christ ? Car c’est au Christ que Jean rendait témoignage. Ceux qui entendaient le Christ voulaient le mettre à mort, et ils n’y eussent point mis celui qui lui rendait témoignage. Qu’on se soit soulevé contre Jean à cause du Christ, Jean ne l’aurait point renié. Il y avait en lui de grandes forces, qui l’ont fait appeler l’ami de l’Époux[1] ; il était plein de grâces, supérieur en vertu : « Parmi les enfants des hommes, nul n’était plus grand que Jean-Baptiste[2] ». L’orage se souleva donc contre celui qui n’avait point de telles forces : il se souleva contre Pierre, et non contre Jean ; Pierre ne reçut la force que plus tard, il était faible alors. On interroge au sujet du Christ celui qui n’avait point la force encore ; et celui qui était doué de forces ne souffrit aucune persécution au sujet du Christ, afin de ne point prévenir le Christ en mourant pour son propre nom. Les Juifs ne firent pas mourir cet homme rendant témoignage à ce même Christ qu’ils crucifièrent ; Hérode lui donna la mort parce qu’il lui disait : « Il ne vous est point permis d’avoir la femme de votre frère[3] », puisque ce frère n’était point mort sans postérité. Il mourait sans doute pour la vérité, pour l’équité, pour la justice ; c’est pour cela qu’il est saint, qu’il est martyr ; mais il n’est pas mort pour ce nom qui nous rend Chrétiens. Pourquoi, sinon afin d’accomplir cet oracle : « Je suis seul, jusqu’à ce que j’aie passé ? »

  1. Jn. 3,29
  2. Mt. 11,11
  3. Id. 14,3-11