Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/210

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et ne faut-il pas ouvrir au Christ cette porte de la crainte fermée au diable ? Aussi, comme pour nous dire : fermez au démon, mais ouvrez pour moi, le Sauveur a-t-il ajouté : « Craignez au contraire Celui qui a le pouvoir de jeter l’âme et le corps au feu éternel[1] ». Si donc, sur la foi en ces paroles, tu ouvres la porte au Christ, ferme-la au démon. Le Christ est à l’intérieur, c’est là qu’il habite ; répands ta prière devant lui, ne cherche pas à te faire entendre de loin. Car elle n’est pas loin de vous cette sagesse de Dieu, « qui atteint d’une extrémité à l’autre avec force, et dispose de tout avec douceur[2] ». C’est donc dans ton âme qu’il te faut répandre ta prière devant Dieu, c’est là que sont ses oreilles. Ce n’est, en effet, « ni de l’Orient, ni de l’Occident, ni des lieux déserts, que le Seigneur vous écoute ; car il est juge[3] ». Or, s’il est juge, vois dans ton cœur quelle est ta propre cause.
5. « Je répandrai ma prière devant lui, j’annoncerai en sa présence toutes mes afflictions[4] ». Ces deux versets ne font que répéter les deux premiers. Il y a deux pensées dont chacune est répétée deux fois. La première est celle-ci : « De ma voix j’ai crié vers Dieu, j’ai imploré le Seigneur de mes cris » ; l’autre : « Je répandrai ma prière devant lui, j’annoncerai en sa présence toutes mes afflictions ». Devant lui est identique à sa présence, et répandre ma prière, est identique à proclamer toutes mes afflictions. Quand agiras-tu ainsi ? L’interlocuteur est alors dans la tribulation : « Quand mon âme tombe en défaillance », nous dit-il. Pourquoi donc ton âme est-elle en défaillance, ô martyr que l’on persécute ? C’est de peur que je ne fasse à moi-même l’honneur de mes forces, et afin que je sache bien qu’un autre les produit en moi. C’est d’ailleurs l’avertissement que donne le Seigneur à ceux dont il voulait faire ses témoins : « Quand ils, vous traîneront devant les juges, ne vous inquiétez point de ce que vous direz ; car ce n’est point vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père qui parle en vous[5] ». Arrière donc ton esprit, et que l’Esprit de Dieu parle en toi. C’est donc avec raison qu’il voulait en faire des pauvres d’esprit : « Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux leur appartient »[6]. Donc bienheureux ceux qui sont pauvres de leur esprit, et riches de l’Esprit de Dieu ; car tout homme qui suit son esprit est un orgueilleux ; qu’il soumette son esprit, et reçoive l’Esprit de Dieu. Il cherchait les hauts lieux, qu’il reste dans la vallée. S’il s’élève en haut, les eaux s’écouleront loin de lui ; s’il demeure dans la vallée, il en sera rempli, et il lui arrivera comme au sein dont il est dit : « Des fleuves d’eau vive couleront de son sein[7] ». Donc « pendant la défaillance de mon âme, j’ai annoncé en votre présence ma tribulation », j’étais humble, et je confessais devant vous la défaillance de mon esprit, étant comblé de votre Esprit-Saint.
6. Quant aux hommes, en apprenant la défaillance de mon esprit, ils ont désespéré de moi, et ils ont dit : Nous l’avons pris, nous l’avons accablé : « Mais vous, Seigneur, vous avez connu mes sentiers ». Ils me croyaient abattu, vous saviez que j’étais debout. Ceux qui me persécutaient, qui s’étaient emparés de moi, croyaient que mes pieds étaient embarrassés ; mais ce sont leurs pieds au contraire qui sont embarrassés, et ils sont tombés : « Mais nous nous sommes levés et redressés[8]. Car mes yeux sont toujours fixés sur le Seigneur, parce que c’est lui qui dégagera mes pieds du filet[9] ». J’ai continué ma course ; « et celui-là sera sauvé qui aura persévéré jusqu’à la fin[10] ». Ils me croyaient accablé, et moi je marchais. Où est-ce que je marchais ? Dans les sentiers que ne voyaient pas ceux qui croyaient m’avoir pris ; dans les sentiers de votre justice, dans les sentiers de vos préceptes. « Vous connaissiez en effet mes sentiers », que ne connaissait pas le persécuteur ; autrement il ne me porterait point envie, mais il y marcherait avec moi. Quels sont donc ces sentiers, sinon les voies dont il est dit ailleurs : « Le Seigneur connaît la voie des justes, mais la voie des impies périra[11] ? » Il ne dit point que le Seigneur ne connaît pas la voie des impies ; mais bien : « Dieu connaît la voie des justes, celle des impies périra ». Car tout ce que Dieu ne connaît pas doit périr. Dans beaucoup d’endroits de l’Écriture, connaître, pour Dieu, c’est sauver. Connaître, c’est garder, comme ne pas connaître, c’est damner. Comment, en effet, celui qui connaît

  1. Mt. 10,28-32
  2. Sag. 8,1
  3. Ps. 74,7
  4. Id. 141,4
  5. Mt. 10,19-20
  6. Mt. 5,3
  7. Jn. 7,38
  8. Ps. 19,9
  9. Id. 24,15
  10. Mt. 10,12
  11. Ps. 1,6