Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout pourrait-il dire à la fin du monde : « Je ne vous connais pas[1] ? » Qu’ils ne s’applaudissent point dès lors en disant que le juge ne les connaît point. C’est déjà un châtiment que n’être point connu du juge. Ces voies dès lors, dont il est dit que le Seigneur les connaît, le Prophète les appelle ici des sentiers, quand il dit : « Vous connaissez mes sentiers ». Tout sentier, en effet, est une voie, mais toute voie n’est pas un sentier. Pourquoi donc ces voies sont-elles appelées des sentiers, sinon parce qu’elles sont des voies étroites ? La voie large est celle des impies, la voie étroite celle des justes.
7. Dire la voie et les voies, c’est tout un, de même que dire l’Église ou les Églises, le ciel ou les cieux. L’un est au pluriel, l’autre au singulier. L’Église, à cause de son unité, n’est qu’une Église : « Ma colombe est unique, l’unique de sa mère[2] ». Mais il y a plusieurs Églises, si l’on envisage les diverses assemblées des fidèles en divers endroits : « Les Églises de la Judée se réjouissaient dans le Christ, parce que celui qui naguère nous persécutait, annonce maintenant la foi qu’il voulait détruire ; et ils glorifiaient Dieu à mon sujet[3] ». Il dit ici les Églises, et ailleurs il parle d’une seule Église : « Ne donnez aucun scandale aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’Église de Dieu[4] ». Il en est donc de même de la voie et des voies, du sentier et des sentiers. Pourquoi les sentiers, et pourquoi le sentier ? De même que nous avons donné la raison de l’Église et des Églises, nous devons rendre compte du sentier et des sentiers. On dit les sentiers de Dieu, à cause de la pluralité des préceptes, et comme tous les préceptes peuvent se réduire à un seul, comme « la plénitude de la loi est la charité[5] », toutes ces voies divisées en plusieurs préceptes peuvent se réduire à une seule, puisque notre voie c’est la charité. Voyons si la charité est une voie. Écoutons l’Apôtre : « Je vous enseigne une voie bien supérieure encore[6] ». Quelle est cette voie, ô saint Apôtre ? Écoute bien cette voie : « Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges mêmes, si je n’ai point la charité, je suis comme un airain sonnant et une cymbale retentissante, Quand j’aurais le don de prophétie, que je pénétrerais tous les mystères et us toutes les sciences, et quand j’aurais toute la foi possible, jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai point la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais toutes mes richesses aux pauvres, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai point la charité, tout cela ne sert de rien[7] ». C’est donc la charité qu’il appelle une voie suréminente. Cette voie si relevée, mes frères, est une voie merveilleuse. Et parce qu’elle est très relevée, elle est aussi de beaucoup la meilleure ; car ce qui est éminent, est élevé ; or, rien de plus relevé que la voie de la charité, et il n’y a que les humbles pour y marcher. Ces sentiers donc, la charité les appelle des préceptes. « Vous connaissez mes sentiers », dit le Prophète ; vous savez que tout ce que j’endure, est par amour pour vous, vous savez qu’en moi la charité souffre tout ; vous savez que si je livre mon corps pour être brûlé, j’ai cette charité sans laquelle rien ne me servirait.
8. Qui, mes frères, connaît véritablement ces voies de l’homme, sinon celui à qui le Prophète a dit : « Vous connaissez mes voies ? » Quelles que soient les actions des hommes sous nos yeux, nous ne savons quelle intention les a dictées. Combien est-il d’impies, qui, mesurant les autres sur eux-mêmes, disent de nous que nous cherchons dans l’Église des honneurs, des applaudissements, des avantages temporels ? Combien m’accusent de ne vous parler que pour me faire acclamer et applaudir par vous, et de n’avoir d’autre but, d’autre intention dans mes discours ? Comment leur montrer que telle n’est point mon intention ? Je n’ai plus qu’à dire : « Vous connaissez mes sentiers ». Comment ces accusateurs savent-ils ce que vous-mêmes ne savez point ? Comment savent-ils ce qu’à peine je connais moi-même ? Car ce n’est point à moi de me juger : celui qui me juge, c’est le Seigneur[8], Je ne sais ce que, dans son ignorance, Pierre présumait de lui-même, quand le médecin ne présumait point de ses forces autant que lui. Crions donc vers Dieu avec un cœur pur et plein de piété, car c’est un véritable cri : « Seigneur, vous connaissez mes voies ». Mais veux-tu que le Seigneur te conduise par ses voies ? Sois doux, sois calme, loin de toi toute obstination,

  1. Mt. 7,23
  2. Cant. 6,8
  3. Gal. 1,22-24
  4. 1 Cor. 10,32
  5. Rom. 13,10
  6. 1 Cor. 12,31
  7. 1 Cor. 13,1-3
  8. Id. 4,3-4