Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/212

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tout orgueil, garde-toi d’élever et de secouer la tête comme le cheval et le mulet qui n’ont point d’intelligence[1] ». Si tu es doux, si tu es calme, tu seras une monture pour Dieu qui te conduira par ses voies. Car il conduira les humbles dans la justice, et enseignera ses voies aux hommes doux[2]. « C’est donc vous, ô mon Dieu, qui connaissez mes voies ».
9. « Dans cette voie où je marchais, ils m’ont caché un piège ». Cette voie par où il marchait, c’est le Christ ; et c’est là que lui ont tendu des pièges ceux qui persécutent les chrétiens, et au nom du Christ. « C’est donc là qu’ils m’ont caché un piège ». Pourquoi me porter envie, pourquoi me persécuter ? Parce que je suis chrétien. Si donc c’est parce que je suis chrétien qu’ils me persécutent, « ils m’ont caché un piège dans la voie où je marchais ». Autant qu’il est en eux, ils m’ont tendu des pièges dans la voie où je marche ; autant que le peuvent leurs désirs, que le peuvent leurs efforts, que le peuvent leurs vœux, ils ont voulu me prendre au piège dans la voie où je marchais. « Mais le Seigneur connaît la voie des justes[3] », et, « vous, Seigneur, connaissez mes sentiers ». Voilà ce qu’ils ont désiré ; mais comme c’est vous qui êtes ma voie, vous ne leur permettrez point de me tendre des pièges en vous-même. C’est au nom du Christ en effet que les hérétiques veulent nous préparer des embûches, et ils se trompent eux-mêmes. Ce qu’ils croient mettre dans la voie, ils le placent en dehors, car eux-mêmes sont en dehors ; et ils ne peuvent tendre des pièges où ils ne sont point. Mais le Prophète parle dans le sens de leurs désirs, de leurs vœux, de leur intention ; car il est dit formellement ailleurs : « Ils m’ont tendu un piège près de la route[4] ». Dire « dans la voie », c’est parler dans le sens de leurs désirs, de leurs vœux ; dire « près de la route », ou « près des sentiers », c’est parler selon la vérité. Car le piège n’est point dans le sentier, n’est point dans la voie elle-même, qui est le Christ ; mais bien près des sentiers. Le Christ ne leur permet pas de le placer dans la voie, de peur que nous ne puissions la suivre ; il permet seulement qu’on le tende le long de la voie, afin de nous prémunir contre tout écart. Un païen s’imagine me tendre un piège dans la voie, quand il me dit : Tu adores un Dieu crucifié. Il s’en prend à la croix de Jésus-Christ qu’il ne comprend point. Il croit mettre dans le Christ ce qu’il ne met que le long du chemin. Mais que je ne sorte point du Christ, et je ne quitterai point la voie pour tomber dans le piège. Qu’il insulte au crucifié, comme il lui plaira, je n’en verrai pas moins la croix de Jésus sur le front des rois. Ce qu’il raille, c’est mon salut. Rien de plus orgueilleux que le malade qui a des sarcasmes pour le remède qui le guérit ; s’il n’en riait point, il le prendrait et serait sauvé. Cette croix est le symbole de l’humilité, et un excès d’orgueil ne laisse point connaître à ce malade ce qui guérirait la tumeur de son âme. Et moi, si je connais ce remède, je marche dans la voie. Loin de rougir de la croix, je la porte non plus d’une manière invisible, mais sur mon front. Il y a beaucoup de sacrements que nous recevons de manières différentes : les uns, comme vous le savez, c’est notre bouche qui les reçoit ; d’autres, c’est tout notre corps ; mais comme c’est notre front qui rougit, celui qui a dit : « Si quelqu’un rougit de moi devant les us hommes, je rougirai de lui devant mon Père qui est dans les cieux[5] », a voulu établir sur le siège même de la pudeur ce que les païens appellent une ignominie. Écoute les reproches que l’on fait à un impudent : c’est un effronté, dit-on. Qu’est-ce à dire : il n’a pas de front ? C’est un impudent. Que mon front ne soit donc point nu, qu’il soit couvert par la croix de mon Seigneur. Donc, « ils m’ont tendu des pièges dans cette voie où je marchais » : autant qu’il était en eux, car ils ne les ont placés en réalité que le long de la voie, et moi je serai en sûreté, si je ne sors point de cette voie sacrée. « Tu ne, sais point », dit l’Écriture, « que tu marches parmi les pièges[6] ». Qu’est-ce à dire, parmi les pièges ? Dans la voie du Christ bordée de pièges de part et d’autre : pièges à droite, et pièges à gauche ; pièges de la prospérité à droite, et pièges de l’adversité à gauche ; pièges à droite, ou promesses du monde ; pièges à gauche, ou menaces du monde. Pour toi, marche au milieu des pièges, sans t’éloigner de la voie, sans te laisser prendre aux promesses, ni abattre par les menaces. « Dans le chemin où je marchais, ils m’ont caché leurs embûches ».

  1. Ps. 30,9
  2. Id. 24,9
  3. Id. 1,6
  4. Id. 139,6
  5. Lc. 9,26
  6. Sir. 9,20