Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous qui êtes instruits à son école, dans le Christ il y a la tête et le corps ; n’appliquez donc pas ces paroles au Christ de telle manière qu’il n’y ait rien pour vous qui êtes ses membres. Après avoir posé cette base, voyons ce qui suit.

2. Vous savez que le premier peuple fut chargé de nombreux sacrements visibles et corporels, d’une circoncision, d’un sacerdoce laborieux, d’un temple plein de figures, d’un grand nombre d’holocaustes et de sacrifices. Telles sont les armes plus embarrassantes que utiles qu’a dû déposer notre David. « Car si la loi qui a été donnée avait pu donner la vie, il serait vrai de dire que la justice vient de la loi ». À quoi donc a servi la loi ? L’Apôtre continue : « Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse de Dieu s’accomplît par la foi en Jésus-Christ, en ceux qui croiraient[1] ». Aussi qu’a fait ce David, c’est-à-dire Jésus-Christ, la tête et le corps, qu’a-t-il fait quand la nouvelle alliance a été dévoilée, quand la grâce de Dieu a dû être enseignée et appréciée ? Il a quitté les armes et a pris cinq pierres[2] : ces armes qui l’embarrassaient, il les a mises de côté ; il a donc rejeté les sacrements de la loi, sacrements qu’il n’a point imposés aux Gentils, et que nous n’observons point. Vous savez en effet combien sont nombreux ces préceptes de la loi que nous ne pratiquons point, et qui sont néanmoins établis et mis sous nos yeux, pour en figurer d’autres ; non que nous devions rejeter la loi de Dieu, mais depuis l’accomplissement des promesses nous n’avons plus à nous arrêter aux symboles qui les annonçaient. Ce qu’ils nous promettaient est arrivé. La grâce du Nouveau Testament, voilée dans la loi, nous est dévoilée dans l’Évangile. Nous avons écarté le voile et reconnu ce qu’il nous dérobait ; nous l’avons reconnu dans la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre chef et Sauveur, qui a été crucifié pour nous, et à la mort de qui le voile du temple se déchira[3]. Enfin ce David quitta ces armes, ce fardeau de l’ancienne loi, pour prendre la loi même. Car ces cinq pierres sont la figure des cinq livres de Moïse. Il prit ces cinq pierres dans le torrent, et vous savez ce que signifie ce torrent ; car cette vie mortelle s’écoule, et tout ce qui vient au monde ne fait que passer. Ces pierres étaient donc dans le torrent, ou dans ce peuple primitif, pierres inutiles, ne rapportant rien, ne produisant rien ; le torrent passait dessus. Que fit David pour que la loi devînt utile ? Il prit la grâce. Car on ne saurait accomplir la loi sans la grâce ; puisque « la plénitude de la loi c’est la charité[4] ». Mais cette charité, d’où vient-elle ? Vois si elle ne vient pas de la grâce. « L’amour de Dieu », dit l’Apôtre, « est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[5] », C’est donc la grâce qui nous fait accomplir la loi, et la grâce est figurée par le lait. Rien dans la chair ne se donne plus gratuitement que le lait, puisque la mère, loin d’attendre du retour, ne cherche qu’à le donner ; elle le donne gratuitement, elle s’attriste quand elle ne peut le donner. Comment donc David a-t-il montré que la loi ne peut agir sans la grâce, si ce n’est qu’en voulant joindre avec la grâce ces cinq pierres qui désignaient la loi renfermée dans les cinq livres, il les mit dans son vase de berger destiné à garder le lait du troupeau ? Armé de ces pierres, c’est-à-dire armé de la grâce, et dès lors loin de présumer de lui-même, plein de confiance en Dieu, il s’avança contre l’orgueilleux Goliath, plein de jactance et de confiance en lui-même. Il prit une de ces pierres, la lança, en frappa le front de son adversaire, qui tomba blessé dans cette partie du corps où n’était pas le signe du Christ, Remarquez aussi que David prit cinq pierres et n’en jeta qu’une seule ; les livres sont au nombre de cinq et n’ont qu’un même objet : car « la plénitude de la loi c’est la charité », comme nous l’avons dit tout à l’heure. Et l’Apôtre a dit : « Supportez-vous les uns les autres dans la charité, vous appliquant à conserver l’unité de l’esprit dans le lieu de la paix[6] ». Après avoir blessé et renversé Goliath, David lui prit son épée et lui trancha la tête. C’est ce que fit aussi notre David, qui chassa le démon de ceux qui lui appartenaient. C’est ce qui arrive quand les principaux de ceux qui lui appartiennent, et qui étaient au pouvoir du diable qui s’en servait pour lacérer d’autres âmes, quand ces hommes viennent à tourner leurs âmes contre le diable ; alors l’épée de Goliath sert à lui trancher la tête. Voilà, en peu de mots, autant que le temps nous le permet, les figures du titre ; voyons ce que renferme le psaume.

  1. Gal. 3,21-22
  2. 1Sa. 17,39-40
  3. Mat. 27,51
  4. Rom. 13,10
  5. Rom. 5,5
  6. Eph. 4,2-8