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DISCOURS SUR LE PSAUME 145

SERMON AU PEUPLE.

CHANT DE L’ÂME EXILÉE.

Ici-bas notre âme s’efforce de s’élever à Dieu qui est descendu jusqu’à elle. – Bénis le Seigneur, ô mon âme. La joie est proposée ainsi à l’âme dans le trouble ; et l’interlocuteur n’est pas le corps, qui ne saurait donner un conseil, et qui est corruptible et inférieur à l’âme, celle-ci fût-elle souillée, comme le plomb le plus net est inférieur à l’or le plus maculé. C’est donc la partie supérieure, qui s’adresse à la partie inférieure, troublée par son attachement aux créatures, tandis que l’âme a besoin de s’attacher à Dieu afin qu’il la dirige, comme elle-même dirige le corps.

Je bénirai le Seigneur pendant ma vie, ou dans la terre des vivants, alors que le Seigneur sera notre héritage. Ici-bas nous passons, allant à une destination bien différente, comme le riche et Lazare ; mais dans la maison du Seigneur, nous le bénirons éternellement. Dieu seul doit être notre appui, et non les hommes qui ne sauraient sauver, encore moins les hérétiques se vantant de donner le salut. L’esprit s’en ira, et ils retourneront dans la terre avec leurs pensées. Bienheureux celui qui a pour appui le Dieu de Jacob, qui le fait Israël ; il est à nous par le culte que nous lui rendons et par le soin qu’il prend de nous sans l’un ou sans l’autre l’homme est stérile. Mais Dieu prend-il soin des hommes ? Oui, parce qu’il est le créateur de tout, et même du moindre insecte, et de plus qu’il sauvera les hommes et les animaux. Toutefois, selon l’Apôtre, il n’a aucun soin des bœufs ; mais c’est en ce sens qu’il ne donne pas des préceptes qui les concernent. L’Évangile nous dit que Dieu pourvoit à la subsistance des animaux. Nulle part on ne voit qu’il leur ait donné des préceptes, tandis que l’on voit que le moindre passereau ne tombera pas sans la volonté de Dieu, pas plus qu’un cheveu de notre tête.

C’est Dieu qui garde la vérité, qui rend justice à ceux que l’on opprime, c’est-à-dire à ceux qui souffrent pour la justice, et non à cause du mat qu’ils ont fait. Ainsi les hérétiques se plaignent des lois portées contre eux ; qu’ils considèrent leurs œuvres qu’ils voient si elles sont justes. L’Évangile n’assigne pas le bonheur à ceux qui souffrent, mais à ceux qui souffrent pour la justice. Or, l’Église souffre pour la justice, elle qui doit vivre parmi ces scandales ; mais il n’en est pas ainsi des hérétiques persuadant aux hommes de nier qu’ils soient chrétiens, les conduisant à l’apostasie, et se prétendant justes.

Dans les ministres de l’Église, ne nous inquiétons pas de la sainteté de l’homme ; c’est Dieu qui donne la nourriture, et à tous ceux qui ont faim et soif de la justice. C’est lui qui délie les captifs et non les hérétiques, lui qui donne la sagesse aux aveugles. Cette captivité est celle du corps, dont Dieu nous délivrera en le rendant immortel. C’est pour ceux que le péché fait tomber que le Christ est descendu, lui qui aime les justes, les étrangers qui viennent dans le giron de l’Église il soutient la veuve ou l’Église sans Époux en cette vie, et l’orphelin ou le chrétien détaché de tout ce qui est ici-bas ; il confond la voie des impies, ou la voie large de ceux qui ne connaissent que les jouissances terrestres, et donne aux justes le royaume éternel.


1. Les divins cantiques font les délices de notre esprit ; les larmes qu’ils font couler ne sont pas sans joie. Un chrétien fidèle, étranger au monde, n’a pas de plus agréable souvenir que celui de cette cité dont il est banni ; mais ce n’est ni sans douleur, ni sans soupir, que dans l’exil on se souvient de la patrie. Toutefois, l’espoir d’y retourner nous encourage et adoucit la douleur du bannissement. Que ces paroles divines s’emparent de votre cœur ; que celui qui vous possède s’empare de son héritage ou de vos âmes, de peur qu’elles ne se détournent vers d’autres objets. Que chacun de vous soit ici tout entier, et non là ; c’est-à-dire tout entier dans cette parole, qui retentit sur la terre, afin que cette parole élève notre cœur, et qu’il ne soit plus ici-bas. Car Dieu est avec nous, afin que nous soyons avec lui. Celui, en effet, qui est descendu jusqu’à nous, pour être avec nous, nous élève, afin que nous demeurions avec lui. C’est pour cela qu’il n’a point dédaigné notre exil, parce que Celui qui a tout créé n’est nulle part étranger.
2. Vous venez d’entendre un psaume ; c’est la voix de quelqu’un, la vôtre si vous le voulez, une voix qui exhorte l’âme à louer Dieu, et qui se dit : « Bénis le Seigneur, ô mon âme »[1]. Souvent, en effet, dans les peines de cette vie, dans les épreuves, votre âme se trouble en dépit de vos efforts ; et c’est à cause de ce trouble que nous lisons dans un autre psaume « Pourquoi tant de tristesse, ô mon âme, et pourquoi me troubler ? » Or, afin de calmer ce trouble, voilà que le Prophète lui propose une joie non point encore en réalité, mais en espérance ; et à cette âme pleine de trouble, d’anxiété, de tristesse, de chagrin, il dit : « Espérez dans le Seigneur, car je le confesserai encore[2] ». Il place dans la confession cette espérance qui le relève,

  1. Ps. 145,2
  2. Id. 42,5