Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/277

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nôtre à tous, afin que nous puissions non seulement voir arriver sans crainte, mais encore désirer ce jour si terrible. Car si nous aimons le Christ, nous devons appeler de nos vœux son avènement. Craindre l’avènement de celui que nous aimons, et néanmoins lui dire dans nos prières « Que votre règne arrive[1] », quand nous redoutons d’être exaucés, c’est un contre-sens tel que je ne saurais y croire. Pourquoi craindre, en effet ? Parce que notre juge viendra ? Mais est-il donc injuste ? Est-il malveillant ? Est-il jaloux ? Est-ce par autrui qu’il doit connaître ta cause, et peux-tu redouter que celui que tu as chargé de ce soin, ou ne te trahisse dans sa duplicité, ou ne manque d’éloquence et d’habileté pour démontrer ton innocence ? Rien de cela n’est à redouter. Qui donc viendra ? Pourquoi ne point te réjouir ? Qui doit venir te juger, si mon celui qui est venu pour être jugé à cause de toi ? Ne crains pas pour accusateur celui dont le Sauveur lui-même a dit : « Le prince de ce monde a été chassé dehors[2] ». Ne redoute pas un avocat peu habile tu as pour avocat celui qui sera ion juge. Il n’y aura que lui, et toi, et ta cause ; le plaidoyer de ta cause sera le témoignage de ta conscience. Si donc tu crains le juge à venir, redresse dès aujourd’hui ta conscience. Est-ce peu pour toi qu’il ne recherche point dans le passé ? Il te jugera sans plus te laisser de temps ; mais maintenant qu’il commande, quel espace de temps ne laisse-t-il pas écouler ? Alors il ne te sera plus possible de te corriger. Mais qui t’en empêche maintenant ? Voilà tout ce que nous représentions avec tant de force dimanche dernier, parce que c’est une vérité, parce qu’il n’y a que cela en quelque manière à vous représenter, un temps bien long s’écoula, et nous dûmes remettre pour aujourd’hui le psaume que nous avions entrepris d’expliquer. Le voici maintenant ; qu’il fixe notre attention, ou plutôt écoutons le Seigneur qui, dans sa miséricorde, a bien moulu nous faire dicter par son Esprit ces paroles saintes, selon le besoin qu’il nous connaît dans notre faiblesse. Quel malade, en effet, voudrait donner des conseils au médecin ?
2. À la lecture du psaume, vous avez remarqué, je pense, que tous les versets, ou du moins un grand nombre, veulent, pour être compris, que l’on frappe à la porte ; surtout quand il est dit que « Dieu donne la neige comme la laine, qu’il répand les frimas comme la poussière, qu’il jette son cristal comme des morceaux de pain. Qui pourra résister à la rigueur de son froid[3] ? » À ces paroles, quiconque les entend à la lettre, porte sa pensée sur les œuvres de Dieu. Qui donne la neige, si ce n’est Dieu ? Qui répand les frimas, si ce n’est Dieu ? Qui durcit le cristal, si ce n’est lui encore ? Or, ces trois phénomènes ont avec des objets bien différents de frappantes analogies. La neige, en effet, ressemble quelque peu à la laine, comme la poussière au frimas, comme un morceau de pain blanc à la blancheur et à l’éclat du cristal. Car on appelle cristal une espèce de verre, mais blanc. Ceux qui savent ces choses et du témoignage desquels nous pouvons douter d’autant moins que l’Écriture, qui est très certaine, les vient appuyer, ceux, dis-je, qui savent ces choses, nous disent que le cristal vient d’une neige durcie pendant de longues années sans se fondre, et qui se congèle au point qu’elle ne saurait plus se résoudre. L’été qui arrive dissout facilement les neiges d’un hiver qui s’écoulent, parce qu’elles n’ont pas eu le temps de se durcir. Mais que des neiges viennent s’amonceler pendant beaucoup d’années, et que cet amas vienne à résister aux chaleurs de l’été, et non d’un seul été, mais d’étés nombreux, surtout dans cette partie de la terre qui forme la plage du nord, et où le soleil, même en été, n’est pas très brûlant, cette dureté que le temps a fortifiée produit ce que l’on appelle cristal. Que votre charité soit attentive. Qu’est-ce donc que le cristal ? Une neige que la glace a durcie durant de longues années, de sorte que le soleil ni le feu ne peuvent la dissoudre facilement. Nous donnons cette explication un peu longue, parce que beaucoup l’ignorent ; quant à ceux qui la savent, qu’ils écoutent sans peine ce que l’on dit, non pour eux, mais pour ceux qui pourraient ignorer ce que nous disons. Lors donc que le lecteur récitait ce passage, je ne doute pas que vous vous soyez laissés aller à bien des pensées, que quelques-uns aient dit, et avec vérité : Que les œuvres du Seigneur sont grandes, quoique l’on n’en rapporte ici qu’une partie, encore est-ce une partie terrestre, et que tout le monde connaît

  1. Mt. 6,10
  2. Jn. 12,31
  3. Ps. 147,16-17