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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/278

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comme la neige que Dieu fait descendre, le frimas qu’il répand, le cristal qu’il durcit. D’autres se sont dit : Est-ce bien sans raison que cela se trouve dans les saintes Écritures, et le sens littéral de ces paroles est-il bien le véritable sens ? N’y a-t-il pas un sens caché sous cette neige que l’on compare à la laine, sous ce frimas comparé à la poussière, sous ce cristal comparé au pain ? Mais pourquoi l’Écriture a-t-elle voulu employer ces voiles et ces comparaisons ? Ne vaudrait-il pas mieux s’exprimer plus clairement ? Pourquoi faut-il chercher le sens de ces paroles, et le chercher en hésitant ? Pourquoi ne puis-je les écouter sans heurter contre des difficultés ? Pourquoi même, après avoir entendu le psaume, n’en savoir pas davantage le puis souvent ? C’est là ce que je vous disais tout à l’heure : Laisse-toi guérir, c’est ainsi qu’il faut te soigner. Un malade est bien orgueilleux, bien impatient quand il donne des avis au médecin, ce médecin ne fût-il qu’un homme. Où est donc ce malade assez téméraire pour conseiller son médecin ? Quand le malade est l’homme, et Dieu le médecin, c’est une grande disposition à la guérison, que cette piété qui nous fait croire que Dieu a dû parler de la sorte, avant même que nous sachions ce qui est dit. Car cette piété te rendra capable de chercher le sens des paroles, de le trouver après l’avoir cherché, et de te réjouir de l’avoir trouvé. Que vos prières aient donc devant le Seigneur notre Dieu ce degré de ferveur, et si ce n’est pour nous, que du moins, en votre considération, il daigne nous découvrir ce qu’il y a de caché sous ces voiles. Supposez donc que je vous ai assigné un jour pour vous donner un spectacle tout divin, et qu’en prononçant ces versets sans les expliquer, je vous ai fait entrevoir seulement quelques richesses de celui qui nous donnera ces divins spectacles. Ces richesses nous sont montrées sous une enveloppe, afin de nous en faire désirer la découverte ; pour vous, tenez-vous prêts, non seulement à les regarder, mais encore à vous en revêtir.
3. Nous disions dimanche, et il doit vous en souvenir, vous qui étiez présents, que la lecture de l’Évangile, qui nous arrêta si longtemps, au point qu’il nous fallut remettre l’explication de notre psaume, avait beaucoup d’analogie avec le psaume lui-même. Nous l’avons dit alors, mais sans pouvoir le démontrer, puisqu’il fallut différer l’exposition du psaume. C’est aujourd’hui qu’il nous faut établir cette analogie. La lecture de l’Évangile nous effraya au sujet du dernier jour ; mais cette frayeur est la mère de la sécurité, car cette frayeur nous met sur nos gardes, et la sécurité vient de la vigilance. De même qu’une sécurité mal fondée nous jette en un plus grand effroi, de même une crainte sage amène la sécurité. La crainte qui nous saisit alors nous détourne de nous attacher à cette vie qui nous échappe, qui passe et s’évanouit, de l’aimer comme s’il n’y en avait point d’autre pour nous ; car s’il n’y en a point d’autre, aimons celle-ci. S’il n’est point d’autre vie, ceux qui ont passé la nuit à l’amphithéâtre sont plus heureux que nous. Que dit en effet l’Apôtre : « Si notre espérance dans le Christ n’est que pour cette vie, nous sommes les plus misérables de tous les hommes ». Il est donc une autre vie, Que chacun dans sa foi interroge le Christ ; mais la foi est endormie. Te voilà donc justement agité par les flots, parce que le Christ est endormi dans la barque. Car Jésus dormait dans la barque, et cette barque était battue par les flots, et par toutes sortes de tempêtes. Notre cœur est dans l’agitation quand le Christ dort. Et néanmoins le Christ veille toujours. Que signifie donc le sommeil du Christ ? Le sommeil de la foi. Pourquoi te laisser encore agiter par les flots du doute ? Éveille donc le Christ, éveille ta foi : envisage des yeux de la foi cette vie future pour laquelle tu as cru, pour laquelle tu as été marqué du signe de celui qui est venu en cette vie tout exprès, afin de te montrer combien est méprisable cette vie que tu aimes, combien il faut espérer l’autre vie en laquelle tu ne croyais point. Si donc tu éveilles ta foi, pour diriger ton regard sur tes fins dernières, sur ce siècle futur qui doit faire notre joie après l’autre avènement du Seigneur, après l’arrêt du jugement, après que les saints seront mis en possession du royaume des cieux ; si, dis-je, ta pensée s’arrête sur cette vie, sur le repos toujours agissant dont nous jouirons alors, et dont nous vous avons parlé souvent, mes bien-aimés, notre action ne sera plus agitée ; ce sera une et action dans un repos plein de douceur, une action que ne troublera aucune peine, que n’interrompra aucune fatigue, ni aucun