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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/280

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quiconque en est là peut attendre avec sécurité le dernier jour, parce qu’il n’est point hors de l’arche ; mais il fait partie de ces bois incorruptibles dont l’arche est construite[1]1. Qu’il ne craigne donc point l’avènement du Sauveur, mais plutôt qu’il l’espère et le désire ; car il ne viendra point pour lui infliger un châtiment, mais pour mettre fin à ses misères. Or, tout cela se fait par le désir que nous avons de cette cité sainte. Les avertissements de l’Évangile se réalisent dès lors dans nos soupirs vers cette Jérusalem que chante notre psaume, et de là vient l’accord de l’Évangile avec ce chant du Prophète.
5. Écoutons quelle est la cité que chante le psaume. Écoutons et chantons ; notre joie, en l’écoutant, est elle-même un cantique en l’honneur de notre Dieu. Car chanter n’est pas seulement répéter un cantique avec le bruit de la voix et des lèvres ; il est aussi un chant intérieur, parce qu’un autre a l’oreille dans notre intérieur. Chantons de la voix pour nous stimuler, chantons du cœur afin de lui plaire. Ce psaume est intitulé : « Psaume d’Aggée et de Zacharie[2] ». Or, Aggée et Zacharie furent des Prophètes, et ces Prophètes vivaient au temps de la captivité de cette Jérusalem qui était la figure de la Jérusalem du ciel. Or, pendant la captivité de cette ville, comme ils étaient à Babylone, ils prophétisèrent au sujet de Jérusalem, annonçant que le peuple sortirait de la captivité[3], que sur les ruines de l’ancienne serait bâtie une cité nouvelle. Or, nous connaissons cette captivité, si nous connaissons véritablement la nôtre. Dans ce monde, en effet, dans ces tribulations du siècle, au milieu de ces scandales sans nombre, nous sommes dans une sorte de captivité, mais nous en serons délivrés ; on nous prédit une vie nouvelle semblable à celle-ci. Après la promesse des Prophètes s’accomplit d’une manière visible tout ce qui devait faire de cette cité une image de la cité invisible. Jérusalem fut rebâtie après soixante et dix ans de captivité. Ce nombre de soixante et dix était précisé par Jérémie, qui nous montre, sous la figure du nombre septénaire, le temps présent qui s’écoule ; puisque nos jours, vous le savez, s’écoulent sept par sept, nombre qui passe pour revenir invariablement. Or, Jérémie, en prophétisant que Jérusalem serait rebâtie après soixante et dix ans, couvrait sous cette image une prophétie de l’avenir ; car il veut nous faire entendre qu’après l’écoulement de ces jours qui se comptent par sept, notre ville sera construite pour l’éternité, qui n’est qu’un aujourd’hui, puisque dans cette demeure le temps ne passe plus, parce que ses citoyens ne meurent point. Telle est la cité que les Prophètes voyaient en esprit ; c’est elle qu’ils voyaient quand ils parlaient de la cité d’ici-bas. Mais ils disaient au sujet de celle d’ici-bas ce qu’ils rapportaient à celle d’en haut : et tout ce qui se faisait dans le temps par le mouvement des corps et par les actions des hommes, devenait autant de signes et de prédictions pour l’avenir.[4]
6. Écoutons donc ce que l’on dit de cette ville ; élevons-nous jusqu’à elle. C’est elle que nous fait estimer l’Esprit-Saint, en répandant l’amour de cette cité dans nos cœurs, afin d’y faire monter nos soupirs, et que gémissant dans cet exil, nous ayons hâte d’arriver en la ville sainte. Aimons-la, mes frères, l’aimer c’est y aller. Aimons-la d’après cette bouche sacrée, cette bouche prophétique de l’Esprit de Dieu qui nous dit : « Jérusalem loue le Seigneur[5] ». Dans cette captivité les Prophètes voient ces troupeaux ou plutôt l’unique troupeau de tous les citoyens rassemblés de toutes les contrées, pour former la cité sainte. Ils voient la joie de cette masse qui ne craint plus rien, qui n’a rien à souffrir, puisqu’elle est dans le grenier céleste après avoir été foulée et vannée ; et comme ils sont encore sur cette terre au milieu de tant d’afflictions, ils se font précéder par la joie de l’espérance, ils soupirent après cette patrie, s’unissant ainsi de cœur aux anges de Dieu, et à ce peuple qui doit demeurer avec eux dans une sainte joie : « Loue le Seigneur, Jérusalem ». Quelle sera ton occupation, ô Jérusalem ? Car tout labeur, tout gémissement passera. Quelle sera donc ton occupation ? De labourer, de semer, de planter, de naviguer, de faire le négoce ? Quelle sera ton occupation ? Te faudra-t-il encore t’exercer dans ces œuvres, quelque bonnes qu’elles soient, et qui viennent de la miséricorde ? Considère le nombre de tes enfants, vois de toutes parts ceux qui forment la société : vois s’il en est un homme qui ait faim et à qui tu

  1. Gen. 6,14
  2. Ps. 147,1
  3. Esdr. 5,1 ; 6,14
  4. Jer. 25,12 ; 29,10
  5. Ps. 147,2