qui doit venir ». Il est déjà venu pour être en figure ce qu’Élie sera en réalité. Alors Élie sera Élie en personne, maintenant Jean n’est Élie que par ressemblance. En réalité, maintenant Jean est Jean, par similitude il est Élie. Ils étaient tous les deux des précurseurs : chacun d’eux a rempli le même ministère que l’antre, sans perdre toutefois sa personnalité ; mais pour l’un comme pour l’autre, il n’y a eu qu’un seul Seigneur, qu’un seul juge.
7. « Et ils lui demandaient : Qui êtes-vous donc ? Êtes-vous Élie ? et il répondit : non. Et ils lui dirent : Êtes-vous prophète ? et il répondit : non. Ils lui dirent donc : Qui êtes-vous afin que nous donnions réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que dites-vous donc de vous-même ? Il leur répondit : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert ». Isaïe l’avait déjà dit [1]. Cette prophétie s’est accomplie en Jean-Baptiste : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert ». Que crie-t-elle ? « Redressez la voie du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu ». À votre avis n’est-ce pas le rôle d’un héraut de dire : Sortez d’ici ? Le héraut dit : Sortez d’ici, et Jean dit : Venez ; voilà la différence. Jean appelle vers le Sauveur humble pour qu’on n’ait rien à souffrir du juge lorsqu’il viendra dans sa grandeur. « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert ; redressez les voies du Seigneur, comme dit le prophète Isaïe ». Il ne dit pas : Je suis Jean, je suis Élie, je suis un prophète ; mais que dit-il ? Voici mon nom : « La voix de celui qui crie dans le désert, redressez les voies du Seigneur », je suis la prophétie même.
8. « Et ceux qui airaient été envoyés étaient du nombre des Pharisiens », c’est-à-dire des principaux d’entre les Juifs. « Et ils l’interrogèrent et lui dirent : Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n’êtes ni le Christ, ni Élie, ni prophète ? » Ce leur semblait être une sorte de témérité que de baptiser, ils lui demandaient : Au nom de qui le fais-tu ? Nous l’avons demandé si tu étais le Christ ; tu nous as répondus que tu ne l’étais pas ; si tu es son précurseur ; car nous savons qu’avant l’avènement du Christ, Élie doit venir. Tu nous as aussi dit que tu n’es pas Élie ; serais-tu par hasard quelque personnage envoyé longtemps avant les précurseurs, c’est-à-dire un prophète qui aurait la puissance de baptiser ? Tu ne te donnes pas non plus comme prophète. En effet, Jean n’était pas prophète, il était plus grand qu’un prophète. C’est le témoignage qu’a rendu de lui Notre-Seigneur. « Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent ? » Assurément tu supposes qu’il n’en était pas ainsi de Jean ; car il ne ressemblait en rien à ce que le vent agite. Car être agité du vent, c’est subir de tous côtés le souffle de tout esprit séducteur. « Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un homme vêtu avec mollesse ». Or, les vêtements de Jean étaient grossiers : c’était une tunique faite de poils de chameau. « Car ceux qui sont vêtus avec mollesse, c’est dans les palais des rois qu’ils habitent ». Vous n’êtes donc pas allés voir un homme vêtu avec mollesse. « Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète. Oui, je vous le dis, il est plus qu’un prophète »[2]. Car les Prophètes ont annoncé le Christ longtemps avant sa venue, Jean l’a montré pendant qu’il était présent sur la terre.
9. « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni prophète ? Jean leur répondit : Pour moi, je baptise dans l’eau, mais au milieu de vous demeure celui que vous ne connaissez pas ». Les abaissements du Christ faisaient obstacle à ce qu’on le vît ; c’est pourquoi la lampe a été allumée. Voyez comment il cède la place, lui qui aurait pu se faire passer pour ce qu’il n’était pas. « C’est lui qui est venu après moi, qui a été fait avant moi » ; c’est-à-dire, comme nous l’avons déjà expliqué, qui m’a été préféré. « Et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers ». Comme il s’est abaissé ! C’est pourquoi il a été grandement élevé parce que celui qui s’abaisse sera exalté[3]. Votre sainteté doit le comprendre maintenant. Si Jean s’est humilié jusqu’à dire : « Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers », quel sujet de s’humilier ont ceux qui disent : C’est nous qui baptisons, ce que nous donnons est à nous, ce qui est à nous est saint ! Jean dit : Ce n’est pas moi, c’est lui. Eux disent : c’est nous. Jean se reconnaît indigne de délier les cordons de ses souliers ; s’il avait reconnu en être digue, combien déjà il se serait montré humble ! S’il s’en était déclaré digne et qu’il eût dit : Celui-là est venu après moi, qui a été fait avant moi,
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