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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/350

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je ne suis digne que de délier les cordons de ses souliers, il se serait déjà beaucoup humilié. Mais avouer qu’une telle fonction est bien au-dessus de ses mérites, il n’y a qu’un homme véritablement rempli du Saint-Esprit qui l’ait pu faire, et le serviteur qui a ainsi reconnu son maître a mérité de devenir son ami.
10. « Ceci se passa en Béthanie, au-delà du Jourdain où Jean baptisait. Un autre jour Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit : Voici l’Agneau de Dieu, voilà celui qui enlève les péchés du monde ». Que personne ne s’en fasse accroire et ne dise qu’il enlève lui-même les péchés du monde. Remarquez, dès maintenant, quels orgueilleux Jean désignait du doigt. Les hérétiques n’étaient pas encore nés, et déjà le Précurseur les faisait connaître. Du milieu du fleuve il criait déjà contre ceux contre lesquels il crie dans l’Évangile. Voici venir Jésus, et que dit Jean ? « Voici l’Agneau de Dieu ». Si, pour être agneau il suffit d’être innocent, Jean est agneau. Lui aussi n’est-il pas innocent ? Mais quel innocent est-il ? Et jusqu’à quel point l’est-il ? Tous viennent de cette souche, tous sortent de cette source au sujet de laquelle David chante et gémit ainsi : « Moi j’ai été conçu dans l’iniquité, et ma mère m’a enfanté dans le péché [1] ». Celui-là seul est donc agneau, qui n’est pas venu en cette manière. En effet, il n’a pas été conçu dans l’iniquité, puisqu’il n’a pas été conçu par le fait d’un mortel ; sa mère ne l’a pas, non plus, enfanté dans le péché, puisqu’une vierge l’a conçu et mis au monde. C’est par la foi qu’elle l’a conçu ; c’est aussi par la foi qu’elle l’a enfanté. Donc, « voici l’agneau de Dieu », celui-là ne tire pas d’Adam son origine. Il ne lui a emprunté que son corps, sans en prendre le péché ; il n’a pas puisé l’iniquité à cette source empoisonnée. C’est pourquoi il enlève notre péché. « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde ».
11. Certains hommes, vous le savez, disent quelquefois : Nous sommes saints, nous ôtons les Péchés du monde ; car, ajoutent-ils, si celui qui baptise n’est pas saint, comment, étant rempli de péchés, peut-il ôter le péché d’autrui ? À des arguments de cette nature n’opposons pas nos paroles, lisons notre Évangile : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde ». Que des hommes ne cherchent pas à l’emporter sur d’autres hommes ; que le passereau ne se retire pas sur la montagne, qu’il se confie au Seigneur [2]. Et s’il lève les yeux vers les montagnes d’où lui viendra le secours, qu’il reconnaisse que ce secours lui vient du Seigneur, Créateur du ciel et de la terre[3]. Telle était l’excellence de Jean, qu’on lui dit : Tu es le Christ ? Non, répondit-il. Tu es Élie ? Non. Tu es prophète ? Non. Pourquoi donc baptises-tu ? « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôta le péché du monde. C’est lui de qui j’ai dit : Après moi est venu un homme qui a été mis devant moi, parce qu’il était avant moi. Il est venu après moi », parce que ma naissance a précédé la sienne ; « il a été mis devant moi », parce qu’il m’a été préféré ; « il était avant moi, parce qu’au commencement il était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ».
12. « Pour moi », continue-t-il, « je ne le connaissais pas, mais afin qu’il fût manifesté à Israël, je suis venu baptiser dans l’eau. Et Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu le Saint-Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Cependant je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer est celui qui baptise dans le Saint-Esprit. Je l’ai vu, et j’ai rendu le témoignage qu’il est le Fils de Dieu ». Que votre charité veuille être un peu attentive : À quel moment le précurseur Jean a-t-il connu le Christ ? D’abord il est envoyé pour baptiser dans l’eau ; on lui demande pourquoi il baptise : « Afin », répond-il, « qu’il soit manifesté à Israël ». Quel a été l’utilité du baptême de Jean ? Mes frères, si le baptême de Jean avait été utile, il se donnerait encore, les hommes seraient encore baptisés du baptême de Jean, et ils arriveraient ainsi au baptême de Jésus-Christ. Mais que dit-il ? « Afin qu’il soit manifesté à Israël, c’est-à-dire au peuple d’Israël. C’est donc pour manifester le Christ au peuple d’Israël que Jean est venu baptiser dans l’eau. Jean a reçu la mission de baptiser et de préparer la voie au Seigneur par l’eau de la pénitence, avant l’apparition du Christ ; mais le Sauveur une fois connu, il était inutile de lui

  1. Ps. 50, 7
  2. Ps. 10, 2
  3. Id. 120, 1-2