Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/375

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les yeux sur eux-mêmes, ils verront des sujets qu’ils ont de rougir. Jusqu’à ce qu’ils le fassent, nous avons d’autres soucis d’autres soins réclament notre attention ; mieux vaut notre douleur que leur joie. Pour ce qui regarde le nombre de nos frères, il me semble difficile que les divertissements de cette journée nous en aient ravi quelques-uns ; mais en ce qui regarde nos sœurs, c’est pour nous le sujet d’une grande tristesse et d’une profonde douleur, de voir qu’elles n’ont pas été plus empressées à venir à l’Église. Car, à défaut de la crainte de Dieu, le sentiment de la pudeur aurait dû les éloigner du tumulte de la rue. Que celui qui voit tout, jette les yeux sur elles, et que sa miséricorde vienne les guérir toutes. Pour nous qui sommes assemblés ici, nourrissons-nous au festin de Dieu, et que sa parole fasse notre joie. Il nous a invités à entendre son Évangile, il est lui-même notre nourriture ; il n’y en a pas de plus douce, à condition, néanmoins, que le palais de notre cœur puisse en apprécier la saveur.
3. J’ai sujet de le croire, votre charité n’a pas oublié qu’on lui fait une lecture suivie et convenable de l’Évangile. Vous vous souvenez sans doute de ce que nous avons déjà dit, principalement en dernier lieu, de Jean et de la colombe. Au sujet de Jean, nous avons dit ce qu’il avait appris de nouveau sur le ministère de la colombe relativement au Sauveur, bien qu’il le connût déjà. Avec l’assistance du Saint-Esprit, nous nous sommes aperçus que Jean connaissait le Seigneur ; mais que le Seigneur dût baptiser de manière à ne communiquer à personne le pouvoir du baptême, voilà ce que Jean a appris par la colombe lorsqu’il lui a été dit : « Celui sur lequel tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit-Saint [1] ». Qu’est-ce à dire : « C’est celui-là ? » C’est-à-dire nul autre, quoique par un autre. Mais pourquoi Jean l’a-t-il appris par la colombe ? J’en ai donné plusieurs raisons qu’il m’est impossible de vous rappeler en totalité ; d’ailleurs, pas n’est besoin d’y revenir. La principale de toutes était le motif de la paix. En effet, les bois qui n’avaient pas servi à la construction de l’arche avaient été comme les antres plongés dans l’eau, et parce que la colombe avait trouvé du fruit sur leurs branches, elle en avait rapporté dans l’arche. Vous vous souvenez, en effet, que Noé avait envoyé la colombe hors de l’arche, et que cette arche, portée sur les eaux du déluge, en était baignée, mais non submergée. Ayant donc été envoyée au-dehors, la colombe t’apporta un rameau d’olivier ; mais le rameau n’avait pas seulement des feuilles, il avait aussi du fruit [2]. De là nous avons conclu que ce qu’il faut désirer à nos frères baptisés hors de l’Église, c’est de porter du fruit, la colombe ne les laissera pas dehors, elle les ramènera dans l’arche. Ce fruit est tout entier dans la charité, sans laquelle l’homme n’est rien, quoi qu’il ait d’ailleurs. Et nous avons rappelé et cité ces paroles formelles de l’Apôtre à ce sujet : « Quand même je parlerais le langage des anges et des hommes, si je n’ai pas la charité, je suis devenu comme un airain sonnant et une cymbale retentissante. Quand j’aurais la science de toutes choses, quand même je connaîtrais tous les mystères, quand j’aurais surabondamment le don de prophétie, quand j’aurais la perfection de la foi », (qu’entend-il par cette perfection de la foi?) « c’est-à-dire jusqu’à transporter les montagnes, quand même j’aurais distribué tous mes biens aux pauvres, quand j’aurais livré mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me servira de rien [3] ». Or, ceux qui détruisent l’unité ne peuvent en aucune manière prétendre avoir la charité. Voilà ce que nous avons dit ; voyons la suite.
4. Jean a rendu témoignage parce qu’il a vu. Quel témoignage a-t-il rendu ? « Que celui-là est le Fils de Dieu ». Il fallait donc que celui-là baptisât qui est le Fils unique de Dieu par nature, et non par adoption. Les fils adoptifs sont les ministres du Fils unique. Le Fils unique a le pouvoir, les fils adoptifs ont le ministère, Quoique le baptême soit vraiment conféré par un ministre qui n’est pas du nombre des fils adoptifs, à cause de sa mauvaise vie et de sa mauvaise conduite, quel sujet de consolation avons-nous ? « C’est celui-là qui baptise ».
5. « Le lendemain Jean était encore là, et deux de ses disciples avec lui, et, regardant Jésus qui marchait, il dit : Voici l’Agneau de Dieu ». Il est sûr que cet Agneau est unique de ce nom ; bien que ses disciples aient aussi

  1. Jn. 5,33
  2. Gen. 8, 8-11
  3. 1 Cor. 3, 1, 3