Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/382

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l’autre il machine le mensonge. Telle est l’idée que vous devez avoir du dol ; car il est écrit dans le psaume « Langues pleines de dol ». Qu’est-ce à dire : « Langues pleines de dol ? » Écoutez la suite : « Ils ont un cœur, et un cœur pour dire le mal [1] ». Qu’est-ce à dire : « Un cœur et un cœur », sinon un cœur double ? Puis donc qu’il n’y avait pas de dol en Nathanaël, le médecin le jugeait guérissable, mais non en santé. Autre chose est d’avoir la santé, autre chose est de pouvoir être guéri, autre chose encore est de ne pouvoir guérir. Le malade dont on espère la guérison, on dit de lui qu’il peut guérir ; le malade dont on désespère, on le dit inguérissable ; quant à celui qui est en santé, il n’a pas besoin de médecin. Le médecin venu pour rendre la santé aux hommes jugea donc que Nathanaël pouvait être guéri, puisqu’il n’y avait pas de dol en lui. Comment n’y avait-il pas de dol en lui ? C’est que s’il était pécheur, il en convenait. Si, étant pécheur il s’était dit juste, le dol se serait trouvé dans sa bouche. Ainsi le Seigneur loua en Nathanaël l’aveu qu’il faisait de son péché ; mais il ne jugea pas qu’il fût exempt de fautes.
19. Les Pharisiens, qui se croyaient justes, faisaient au Sauveur un reproche de ce que le médecin se mêlait aux malades. Aussi disaient-ils : « Voyez avec qui il mange, c’est avec des Publicains et des pécheurs ». Le médecin répondit à ces frénétiques : « Ce n’est pas aux bien portants que le médecin est nécessaire, mais aux malades : je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs[2] ». Vous vous croyez justes, quoique vous soyez pécheurs ; vous vous croyez bien portants, quoique vous soyez malades ; voilà pourquoi vous repoussez le remède et demeurez malades. Ainsi ce Pharisien qui avait invité le Seigneur à manger chez lui se croyait en santé ; une femme malade apparut brusquement en cette maison sans être invitée ; mais poussée par le désir de sa guérison, elle s’approcha, non pas de la tête, non pas des mains, mais des pieds du Seigneur, les arrosant de ses larmes, les essuyant avec ses cheveux, les couvrant de baisers, les oignant de parfums ; pécheresse, elle fit sa paix avec les pieds du Seigneur. Se croyant en santé, le Pharisien qui était à la table du médecin lui fit intérieurement un reproche et se dit à lui-même : « Si cet homme était un prophète, il saurait quelle femme lui touche les pieds ». Ce qui lui faisait croire à l’ignorance du Seigneur, c’est que Jésus ne repoussait pas cette femme ; car, à son avis, le Christ n’aurait pas voulu se laisser toucher par des mains aussi impures ; mais Jésus-Christ la connaissait, et il lui permit de le toucher et de trouver la guérison dans cet attouchement. Le Seigneur voyant la pensée du Pharisien, lui proposa cette comparaison : « Un créancier avait deux débiteurs. L’un lui devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi le payer, il remit à chacun sa dette. Lequel des deux l’aima le plus ? Simon répondit : Je crois, Seigneur, que c’est celui à qui il a le plus remis. Et se tournant vers la femme, Jésus dit à Simon : Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, tu ne m’as pas donné d’eau pour laver mes pieds ; elle, au contraire, les a lavés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as point donné de baisers ; mais elle n’a pas cessé de baiser mes pieds. Tu ne m’as pas donné d’huile pour ma tête ; elle, au contraire, a arrosé mes pieds de parfums ; c’est pourquoi je te dis : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé ; mais celui à qui on remet peu aime peu [3] ». Ce qui était lui dire : Tu es plus malade qu’elle, mais tu te crois en santé, tu penses qu’on te remet peu, bien que tu doives davantage. C’est à bon droit que cette femme en qui il n’y a pas de dol a mérité d’être guérie. Qu’est-ce à dire : En elle il n’y a pas de dol ? Elle confessait ses péchés. Aussi, ce que le Seigneur loue en Nathanaël, c’est l’absence de tromperie. En effet, plusieurs d’entre les Pharisiens, quoique remplis de péchés, se disaient justes, et par cette tromperie rendaient leur guérison impossible.
20. Ayant vu que cet homme n’avait pas de ruse, le Seigneur dit : « Voici un véritable Israélite en qui il n’y a pas de ruse. Nathanaël lui dit : Comment me connaissez-vous ? Jésus lui répondit : Avant que Philippe t’eût appelé lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu », c’est-à-dire sous l’arbre de figues où tu étais. « Nathanaël lui répondit : Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi d’Israël ». Sans doute Nathanaël a entrevu

  1. Ps. 11, 3
  2. Mt. 9, 11-13
  3. Lc. 7, 36-47