Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/383

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quelque chose de grand sous cette parole : « Pendant que tu étais sous le figuier, je t’ai vu avant que Philippe t’appelât », puisqu’il répondit par cette confession : « Vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi d’Israël » ; la même que fit Pierre si longtemps après, lorsque le Seigneur lui dit : « Tu es bienheureux, Simon fils de Jean ; car ce n’est ni la chair, ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est au ciel [1] ». Ce fut alors qu’il lui donna le nom de Pierre et qu’il le loua comme étant devenu par cette foi le fondement de son Église. Nathanaël dit : « Vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi d’Israël ». Pourquoi parle-t-il ainsi ? parce que le Seigneur lui a dit : « Avant que Philippe t’ait appelé, pendant que tu étais sous le figuier, je t’ai vu ».
21. Il nous faut chercher, mes frères, si ce figuier est un symbole. Soyez donc attentifs, Nous trouvons dans l’Évangile un figuier maudit parce qu’il ne portait que des feuilles et pas de fruits[2]. À l’origine du genre humain, Adam et Eve ayant péché se tirent des ceintures de feuilles de figuier[3]. Les feuilles de figuier représentent donc le péché. Nathanaël sous le figuier, c’est donc Nathanaël assis à l’ombre de la mort. Le Seigneur l’a vu, lui dont il est écrit : « Une lumière s’est levée sur ceux qui étaient assis à l’ombre de la mort[4] ». Qu’est-ce donc qui a été dit à Nathanaël ? Tu me demandes, ô Nathanaël : « Comment me connaissez-vous ? » Tu commences à me parler parce que Philippe t’a appelé. Jésus-Christ a vu comme appartenant déjà à son Église celui qu’il a appelé par l’intermédiaire de son Apôtre. O Église, ô Israël, ô toi en qui ne se trouve aucune ruse, tu connais déjà le Seigneur par les Apôtres, comme Nathanaël l’a connu par Philippe. Mais avant que tu le connusses, lorsque tu gisais encore sous le péché, sa miséricorde avait jeté les yeux sur toi. Est-ce nous qui avons les premiers cherché le Christ ? N’est-ce pas lui qui nous a cherchés ? Malades, sommes-nous venus les premiers au médecin ? Ou le médecin a-t-il couru au-devant des malades ? Cette brebis n’était-elle pas égarée, et le pasteur laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres ne l’a-t-il pas cherchée, retrouvée et rapportée sur ses épaules ? Et avec quelle joie ne l’a-t-il pas fait ? La drachme n’était-elle pas perdue, et la femme n’a-t-elle pas allumé sa lampe et cherché dans toute sa maison jusqu’à ce qu’elle fût retrouvée ? Et alors : « Réjouissez-vous avec moi », dit-elle à ses voisins, parce que j’ai retrouvé la drachme que j’avais perdue [5] ». Ainsi nous étions égarés comme la brebis, nous étions perdus comme la drachme, et notre pasteur a retrouvé la brebis, mais pour l’avoir cherchée ; la femme a trouvé la drachme, mais en la cherchant. Qu’est-ce que cette femme ? La chair du Christ. Qu’est-ce que sa lampe ? « J’ai préparé une lampe à mon Christ [6] ». Donc on nous a cherchés pour nous retrouver, on nous a retrouvés et nous parlons. Ne nous laissons donc pas entraîner à des sentiments d’orgueil ; car avant d’être retrouvés nous étions égarés ; nous aurions péri si Jésus-Christ ne nous avait cherchés. Que ceux que nous aimons et que nous voulons gagner à la paix de l’Église catholique, ne nous disent donc pas : Pourquoi nous voulez-vous ? Pourquoi nous chercher si nous sommes pécheurs ? Nous vous cherchons pour vous empêcher de vous perdre. Nous vous cherchons, parce qu’on nous a cherchés nous-même s. Nous voulons vous retrouver, parce que nous avons nous-mêmes été retrouvés.
22. C’est pourquoi Nathanaël ayant dit : « Comment me connaissez-vous ? » le Seigneur lui répondit : « Avant que Philippe t’appelât, pendant que tu étais sous le figuier, je t’ai vu ». O Israël, toi qui es sans ruse, ô qui que tu sois, peuple vivant de la foi, avant de t’appeler par mes Apôtres, pendant que tu étais assis à l’ombre de la mort et que tu ne me voyais pas, je t’ai vu. « Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses ». Qu’est-ce à dire : « Tu verras de plus grandes choses ? » Et il lui dit : « En vérité, en vérité, je te le dis : Tu verras le ciel ouvert, et les anges monter et descendre sur le Fils de l’homme ». Mes frères, je viens de dire je ne sais quoi de plus admirable que ceci : « Je t’ai vu sous le figuier ». De fait, en nous justifiant après nous avoir appelés, le Seigneur a fait plus qu’en jetant les yeux sua nous, et en nous voyant assis à l’ombre de la mort. Il nous a vus, mais quel profit es aurions-nous retiré, si nous étions restés d l’endroit où il nous a aperçus ? N’y serions-

  1. Mt. 4, 17
  2. Id. 21, 19
  3. Gen. 3, 7
  4. Isa. 9, 2
  5. Lc. 15, 4-10
  6. Ps. 131, 17