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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/393

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avec l’aide de Dieu, les mystères renfermés dans cet événement dont le récit vous a été lu dans le saint Évangile. Il est inutile de nous arrêter longtemps à relever la grandeur de ce prodige opéré par Dieu ; c’est, en effet, le même Dieu qui en opère tous les jours dans toutes les créatures, et s’ils ne font plus d’impression, ce n’est pas qu’ils soient plus faciles à produire, c’est qu’ils sont sans cesse sous nos yeux. Le Verbe incarné pour nous en a donc fait d’autres plus rares, et l’esprit humain en a été frappé davantage. Ce n’est pas qu’ils aient été plus grands que ceux que Dieu opère tous les jours dans les créatures. Ceux qui se font tous les jours semblent être le résultat de la loi naturelle qui règle le cours ordinaire des choses ; les seconds, au contraire, apparaissent aux yeux de l’homme comme l’œuvre d’un pouvoir qui s’exerce actuellement. Nous vous l’avons dit, et vous vous en souvenez : un mort est sorti vivant du tombeau ; et cet événement a jeté les hommes dans la stupeur ; tous les jours, des enfants qui n’existaient pas viennent au monde, et personne n’en est surpris. Ainsi, qui ne s’étonne de voir changer l’eau en vin ? Pourtant Dieu fait cela tous les ans dans les vignes. Toutefois, comme en opérant ces prodiges, Notre-Seigneur a voulu, non seulement stimuler nos cœurs, mais encore élever en eux l’édifice de la foi, il nous faut rechercher l’à-propos, c’est-à-dire la signification de ce qui concerne celui-ci. Car, vous vous en souvenez, c’est cette explication que nous avons remise à aujourd’hui.
2. De ce que le Seigneur a été invité à des noces et qu’il y est venu, indépendamment de toute explication mystérieuse, ressort, suivant l’intention du Sauveur lui-même, la preuve qu’il est l’auteur du mariage. En effet, des hommes, dont parle l’Apôtre, devaient défendre de se marier[1], et enseigner que le mariage est un mal, et que son auteur est le diable. Au contraire, le Seigneur interrogé sur la question de savoir s’il est permis à un homme de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif, a répondu que cela n’est pas permis, excepté pour cause de fornication. À cette réponse il a ajouté ceci, s’il vous en souvient : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni [2] ». Ceux qui sont bien instruits dans la foi catholique savent que Dieu a établi le mariage, et que, comme l’union conjugale est d’institution divine, le divorce est l’œuvre du diable ; et si dans le cas de fornication il est permis de renvoyer sa femme, c’est que, la première, elle a renoncé à être épouse, puisque la première elle a foulé aux pieds la foi conjugale. Quant à celles qui ont voué à Dieu leur virginité, bien qu’elles soient à un degré plus élevé d’honneur et de sainteté dans l’Église, elles n’ont pas pour cela renoncé entièrement aux noces ; car elles ont part avec toute l’Église à ces noces où l’Époux est le Christ. Ayant été invité aux noces, le Sauveur s’y est rendu pour resserrer le lien de chasteté conjugale, et nous révéler ce qu’il y a de mystérieux dans les noces ; car, dans la circonstance présente, la personne de Notre-Seigneur était figurée par l’époux à qui il fut dit : « Tu as conservé le bon vin jusqu’à présent ». En effet, le Christ a conservé le bon vin jusqu’à présent, c’est-à-dire son Évangile.
3. Commençons donc dès maintenant à vous dévoiler les secrets de ces mystères, autant du moins que nous en fera la grâce Celui au nom de qui nous vous l’avons promis. Dès les temps anciens il y eut des prophéties, et jamais aucune époque n’en fut privée : mais quand on n’y reconnaissait pas le Christ, ces prophéties n’étaient que de l’eau. Car d’une certaine manière l’eau recèle du vin. Que devons-nous entendre par cette eau ? L’Apôtre nous le dit : « Jusqu’aujourd’hui, quand on leur lit Moïse, les Juifs ont un voile posé sur leur cœur, voile qui n’en est pas retiré, parce qu’il n’est enlevé que dans le Christ. Mais », continue-t-il, « lorsque tu seras passé au Seigneur, le voile sera enlevé [3] ». Par, ce voile il entend l’obscurité qui empêchait de comprendre les prophéties : le voile se lèvera, et avec lui disparaîtra l’ignorance lorsque tu seras passé à Notre-Seigneur, et ce qui était de l’eau se changera pour toi en vin. Lis tous les livres prophétiques ; si tu n’y aperçois pas Jésus. Ch net, qu’y a-t-il de plus insipide et de plus fade ? Si, au contraire, tu y vois Jésus-Christ, non seulement tu trouves de la saveur à ce que tu lis, mais encore ta lecture te jette dans l’ivresse, ton âme s’élève au-dessus des corps, et en oubliant le passé elle s’étend pour saisir les choses à venir [4].

  1. 1 Tim. 4, 3
  2. Mt. 19,3-6
  3. 2 Cor. 3, 10-16
  4. Phil. 3, 13