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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/426

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car la lumière les nourrit, les yeux se fatiguent et s’affaiblissent sous l’influence de ce jeûne, en sorte qu’ils ne peuvent même plus supporter cette lumière qui devrait restaurer leurs forces ; et s’ils en sont trop longtemps privés, ils finissent par s’éteindre, et le sens de la perception visuelle meurt pour ainsi dire en eux. Eh quoi ! parce qu’elle alimente tous les jours une si grande quantité d’yeux, cette lumière diminue-t-elle ? Non, les yeux se restaurent et la lumière reste dans son entier. Puisque Dieu a pu faire de la lumière matérielle l’aliment des yeux du corps, sans qu’elle en souffre aucune atteinte, pourquoi ne communiquerait-il pas aux cœurs purs une lumière infatigable, toujours entière, incapable de faiblir ? Quelle est cette lumière ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu ». Voyons si Dieu est en effet une lumière. « En vous est la source de la vie, et « nous verrons la lumière dans votre lumière[1] ». Sur la terre autre chose est une source, autre chose est la lumière. Si tu as soif, tu cherches une source, et pour y arriver tu cherches la lumière ; et s’il fait nuit, tu allumes une lampe afin de parvenir à la source. Jésus-Christ est en même temps source et lumière : source pour celui qui a soif, lumière pour celui qui ne voit pas. Ouvrons les yeux pour voir cette lumière, ouvrons la bouche de notre cœur pour boire à cette source ; ce que tu bois, tu le vois : tu l’entends, Dieu est tout pour toi, parce qu’il est pour toi l’ensemble de ce que tu aimes. Si tu ne penses qu’à des choses visibles, il est sûr que Dieu n’en est pas. il n’est ni du pain, ni de l’eau, ni le soleil, ni un vêtement, ni une maison ; car toutes ces choses sont visibles et distinctes les unes des autres. Ce qui est du pain n’est pas de l’eau, ce qui est un vêtement n’est pas une maison, et l’ensemble de tout cela n’est pas Dieu ; car tout cela est visible. Dieu, au contraire, est tout pour toi. As-tu faim ? Il te sert de pain. Es-tu altéré ? Il te rafraîchit. Es-tu dans les ténèbres ? Il est ta lumière, parce qu’il reste incorruptible. Es-tu nu ? Il sera le vêtement de ton immortalité, lorsque ce corps corruptible aura été revêtu d’incorruptibilité, et que ce corps mortel aura été revêtu d’immortalité[2]. De Dieu on peut dire tout, et l’on n’en peut rien dire qui soit digne de lui. Rien de plus riche que cette indigence. Si tu cherches un nom qui lui convienne, tu n’en trouves pas, et si tu veux parler de lui, c’est à ne pas tarir. Y a-t-il une similitude quelconque entre un agneau et un lion ? L’Écriture a donné au Christ ces deux noms : « Voici l’Agneau de Dieu [3] ». Comment est-il un lion ? « Le lion de la tribu de Juda a vaincu [4] ».
6. Écoutons Jean « Jésus baptisait ». nous avons déjà dit que Jésus baptisait ; comment était-il Jésus ? Comment était-il le Seigneur ? le Fils de Dieu ? le Verbe ? Mais « le Verbe s’est fait chair ». « Jean baptisait aussi dans Ennon, près de Salim ». Ennon est le nom d’un lac. Comment savons-nous que c’était un lac ? « C’est qu’il y avait là beaucoup d’eau, et que plusieurs y venaient pour être baptisés ; car Jean n’avait pas encore été mis en prison ». S’il vous en souvient, je vous ai déjà dit, et je vous le répète, pourquoi Jean baptisait en voici la raison : il fallait que le Sauveur reçût le baptême. Et pourquoi fallait-il que le Sauveur fût baptisé ? Parce que plusieurs se croyant plus privilégiés de la grâce que les autres fidèles, auraient dédaigné de se faire baptiser. Par exemple un catéchumène dans la continence mépriserait le fidèle engagé dans les liens du mariage, et se croirait meilleur. Ce catéchumène dirait peut-être dans son cœur Qu’ai-je besoin de recevoir le baptême pour avoir ce qu’a celui-là, puisque je vaux mieux que lui ? Afin d’empêcher la présomption de perdre ceux que le mérite de leur propre justice pourrait enorgueillir, le maître a voulu recevoir le baptême de la main de son serviteur : et, par là, il semblait dire à des fils orgueilleux : Pourquoi vous élever ? pourquoi vous mettre au-dessus des autres ? Parce que vous avez, l’un la prudence, l’autre la science, celui-ci la chasteté, celui-là une patience inébranlable ? Pensez-vous avoir ces vertus au même degré que moi qui vous les ai données ? Cependant j’ai reçu le baptême de mon serviteur, et vous, vous dédaignez le baptême de votre maître ! Voilà ce que signifient ces paroles : « Afin que toute justice s’accomplisse[5] ».
7. En ce cas, dira quelqu’un, il suffisait que Jean baptisât Notre-Seigneur ; quelle nécessité y avait-il pour lui d’en baptiser d’autres ? À cela nous avons répondu que si Notre-Seigneur avait seul reçu le baptême de Jean, plusieurs

  1. Ps. 35, 10
  2. 1 Cor. 15, 53-54
  3. Jn. 1, 29
  4. Apoc. 5, 5
  5. Mt. 3, 15