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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/427

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n’auraient pas manqué de penser que le baptême de Jean était meilleur que celui de Notre-Seigneur. Voyez, auraient-ils dit, quelle était la valeur du baptême de Jean ! Jésus-Christ seul a été digne de le recevoir ! Le Christ a donc voulu faire voir la supériorité de son propre baptême relativement à celui de Jean : il a voulu que l’un fût considéré comme celui du serviteur, et l’autre comme celui du Maître ; il a voulu nous donner un exemple d’humilité, il s’est donc fait baptiser. Mais il n’a pas été seul à recevoir ce baptême, par la raison que ce baptême ne devait pas être considéré comme préférable à celui du Seigneur. Par là encore, nous vous l’avons dit, mes frères, Notre-Seigneur Jésus-Christ a agi de manière à empêcher certains hommes, infatués de la grandeur de leurs mérites, de regarder comme indigne d’eux la réception de son propre baptême. Quels que soient, en effet, les progrès d’un catéchumène dans le chemin de la vertu, il porte toujours le fardeau de ses péchés, et il n’en sera déchargé que quand il sera venu recevoir le baptême. De même que les Israélites n’ont été délivrés des Égyptiens qu’après avoir traversé la mer Rouge[1], ainsi personne ne sera délivré du poids de ses fautes qu’après avoir été plongé dans la piscine du baptême.
8. « Il s’éleva donc une dispute entre les disciples de Jean et les Juifs, touchant la purification ». Jean baptisait, Jésus-Christ baptisait aussi : les disciples de Jean s’en émurent ; car si l’on venait au baptême de Jean, on accourait en foule à celui de Jésus-Christ. Ceux qui venaient demander le baptême à Jean, celui-ci les renvoyait à Jésus-Christ ceux, au contraire, que le Christ baptisait, il ne les envoyait pas à Jean. Les disciples du Précurseur en furent donc troublés, et comme il arrive d’habitude en pareil cas, une contestation s’éleva entre eux et les Juifs. Il est facile de l’imaginer, les Juifs prétendaient que Jésus-Christ était supérieur à Jean, et qu’en conséquence il fallait aller à lui. Les disciples de Jean n’étaient pas éclairés comme ils le furent plus tard ; aussi défendaient-ils le baptême de leur maître. On vint trouver Jean lui-même pour lui faire résoudre la difficulté. Que votre charité soit attentive. Voici qui montre combien l’humilité est utile ; nous allons voir si dans une circonstance où les hommes pouvaient se tromper, Jean a voulu profiter de leur penchant à l’erreur, pour se faire valoir. Il aurait pu dire : vous parlez juste ; c’est avec raison que vous discutez : mon baptême est le meilleur. Je vais vous donner une preuve de son excellence, c’est que j’ai baptisé le Christ. Dès lors qu’il avait baptisé le Christ, Jean pouvait parler ainsi. La belle occasion de s’élever, s’il avait voulu le faire ! Mais il savait mieux devant qui il devait s’humilier. Celui qu’il précéda par l’âge, il a voulu lui céder le pas et proclamer son excellence ; car il savait que le Christ était son Sauveur. Auparavant déjà, il avait dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude [2] ». C’était le reconnaître comme Dieu. Si, en effet, il n’est pas Dieu, comment tous les hommes peuvent-ils recevoir de sa plénitude ? Car s’il est homme, sans être en même temps Dieu, il reçoit de la plénitude de Dieu, et par conséquent il n’est pas Dieu. Si, au contraire, tous les hommes reçoivent de sa plénitude, il est la source, eux y boivent. Quand on boit à une source, c’est qu’on est susceptible d’avoir soif et de boire. Pour la source, elle n’a jamais soif, elle n’a pas besoin d’elle-même. Les hommes ont besoin de la source, Lorsque leurs entrailles sont enflammées et que leur gorge se trouve sèche, ils courent à la source afin de s’y rafraîchir ; la source coule pour rafraîchir les gens altérés. Ainsi en est-il du Seigneur Jésus.
9. Voyons donc ce que Jean répondit : « Ils vinrent à Jean et lui dirent : Maître, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, auquel tu as rendu témoignage, voilà qu’il baptise maintenant, et tous vont à lui ». C’était lui dire : Qu’en dis-tu ? Ne faut-il pas les en empêcher, afin qu’ils viennent de préférence à toi ? Jean leur répondit : « L’homme ne peut rien recevoir qu’il ne lui ait été donné du ciel ». À votre avis, de qui Jean a-t-il voulu parler ? de lui-même. Puisque je suis homme, ce que j’ai, je l’ai reçu du ciel. Que votre charité soit attentive. « L’homme ne peut rien recevoir qu’il ne lui ait été donné du ciel. Vous me rendez vous-mêmes témoignage que j’ai dit : Je ne suis pas le Christ ». C’était leur dire : Pourquoi vous tromper vous-mêmes ? Comment ? c’est vous-mêmes qui m’adressez une pareille question ?

  1. Ex. 14,1 et suiv.
  2. Jn. 1, 16