Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/450

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 Car il y a du vrai dans cette parole : Autre est celui qui moissonne, autre est celui qui sème, afin que celui qui sème se réjouisse et avec lui celui qui moissonne. Je vous ai envoyés moissonner où vous n’avez pas travaillé ; d’autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leurs travaux ». Quoi donc ? A-t-il envoyé ceux qui moissonnent, et nous pas ceux qui sèment ? Où a-t-il envoyé ceux qui moissonnent ? Là où les autres ont déjà travaillé ; car où l’on avait travaillé on avait certainement semé, et ce qui avait été semé était déjà mûr et n’attendait plus que la faux et le fléau. Où devaient donc être envoyés les moissonneurs ? Là où les Prophètes, véritables semeurs, avaient prêché ; car s’ils n’ont – pas été des semeurs, comment cette femme a-t-elle pu dire : « Je sais que le Messie viendra ? » Déjà elle était elle-même un fruit mûr : c’était une moisson qui avait déjà blanchi et qui réclamait la faux du moissonneur. « Je vous ai donc envoyés ». En quel endroit ? « Moissonner ce que vous n’avez pas semé ; d’autres ont travaillé et vous, vous êtes entrés dans leurs travaux ». Qui sont ceux qui ont travaillé ? Abraham, Isaac, Jacob. Lisez le détail de leurs travaux ; dans tous leurs travaux ils prophétisaient Jésus-Christ ; ils étaient par conséquent des semeurs. Moïse elles autres Patriarches, et les Prophètes, que n’ont-ils pas souffert dans cette froide saison où ils semaient ? Donc en. Judée la moisson était déjà prête. Il est sûr que la récolte était parvenue à maturité au moment où tant de milliers d’hommes apportaient le prix de leurs biens, les mettaient aux pieds des Apôtres, se débarrassant ainsi du fardeau des possessions temporelles, et se mettaient à la suite de Notre-Seigneur. Véritablement la moisson était mûre. Qu’est-il résulté de cela ? Quelques grains récoltés alors ont servi à ensemencer l’univers entier, et cette femme a produit une autre moisson destinée à être recueillie à la fin des siècles. C’est de cette moisson qu’il est dit : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans la joie [1] » ; moisson pour laquelle seront envoyés non plus les Apôtres, mais les anges. « Les moissonneurs », dit Jésus-Christ, « sont les Anges [2] ». C’est là cette moisson qui croît au milieu de l’ivraie et qui attend le moment où elle en sera séparée à la fin des siècles, Quant à celle à laquelle les disciples ont d’abord été envoyés et qu’avaient préparée les Prophètes, elle était déjà mûre, Cependant, mes frères, considérez ce qui est dit : « Afin que se réjouissent ensemble et celui qui sème et celui qui moissonne ». L’époque de leur travail a été différente, mais ils entreront en possession de la même joie ; la même récompense, c’est-à-dire la vie éternelle, deviendra leur partage.
33. « Or, plusieurs des Samaritains de cette ville crurent en lui sur la parole de la femme qui avait rendu ce témoignage : Il m’a dit tout ce que j’ai fait. Les Samaritains étant donc venus à lui, ils le prièrent de demeurer parmi eux, et il y demeura deux jours. Et un bien plus grand nombre crurent en lui à cause de ses discours, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus sur ta parole que nous croyons ; car nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est véritablement le Sauveur du monde ». Il importe de s’appliquer un peu à ces paroles qui terminent la lecture de ce jour. La femme a d’abord annoncé Notre-Seigneur ; ensuite les Samaritains ont cru à son témoignage, puis ils ont prié Jésus-Christ de demeurer avec eux, et il y est demeuré deux jours et plusieurs crurent en lui, et après avoir cru, ils dirent à la femme : « Ce n’est plus d’après ton récit que nous croyons, mais nous-mêmes nous l’avons connu et nous savons qu’il est le Sauveur du monde ». Leur conversion commencée par la réputation de Jésus-Christ, s’est achevée par sa présence. Ainsi en arrive-t-il de nos jours avec ceux du dehors qui ne sont pas encore chrétiens, Jésus-Christ leur est annoncé par des amis chrétiens. Par l’effet de la prédication de l’Église, dont cette femme est l’image, ils viennent au Christ, ils croient en lui, décidés par tout ce qu’on leur en raconte ; il reste avec eux deux jours, c’est-à-dire il leur donne les deux préceptes de la charité. Ainsi s’augmente le nombre et s’affermit la force de ceux qui croient en lui et reconnaissent qu’il est véritablement le Sauveur du monde.

  1. Ps. 125, 5
  2. Mt. 13, 39