Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/449

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des choses plus grandes que celles qui pouvaient convenir à un prophète : « Je sais », lui dit-elle, « que le Messie, qui se nomme le Christ viendra, et que quand il viendra il nous apprendra toutes choses ». Qu’est-ce à dire ? En ce moment, les Juifs disputent pour leur temple, et nous pour notre montagne ; mais lorsque le Messie viendra, il méprisera la montagne et renversera le temple ; il nous apprendra toutes choses en nous apprenant à l’adorer en esprit et en vérité. Déjà elle savait qui pouvait l’instruire ; mais elle ne savait pas que ce docteur lui parlait déjà. Aussi était-elle déjà digne de le reconnaître. Le Messie a été oint ; le mot oint signifie Christ, en grec, Messie, en hébreu ; delà vient que, dans la langue punique, Messie signifie : oignez. La raison de cette ressemblance vient de la parenté et du voisinage des trois langues hébraïque, punique et syrienne.
28. « Cette femme lui dit donc : Je sais que de Messie, qui se nomme le Christ, viendra, et que quand il sera venu il nous annoncera toutes choses. Jésus lui dit : Moi qui te parle, je suis le Christ ». Elle a appelé son mari, le mari est devenu le chef de la femme, le Christ est devenu le chef de l’homme [1]. Déjà elle se met d’accord avec la foi, elle suit la règle qui la fera bien vivre. Après avoir entendu ces paroles « Moi qui te parle, je suis le Christ », que pouvait ajouter cette femme à qui Notre-Seigneur avait voulu se manifester en lui disant : « Crois-moi ? »
29. « En même temps arrivèrent ses disciples, et ils s’étonnèrent de ce qu’il parlait à une femme ». Jésus cherchait celle qui était perdue, car il était venu chercher ce qui périssait ; et ils s’en étonnaient. Ils admiraient le bien, ils ne soupçonnaient pas le mal. Aucun pourtant ne lui dit : « Que cherchez-vous, ou pourquoi parlez-vous avec elle ? »
30. « Cette femme donc laissa là sa cruche ». Après avoir entendu ces paroles : « Moi qui te parle, je suis le Christ », et reçu dans son cœur le Christ Notre-Seigneur, qu’avait-elle de plus à faire qu’à laisser là sa cruche et à courir annoncer qu’il était venu ? Elle se débarrasse au plus vite de sa cupidité, elle se hâte d’aller annoncer la vérité : grande leçon pour ceux qui veulent annoncer l’Évangile ! Qu’ils laissent là leur cruche. Rappelez-vous ce que je vous ai précédemment dit sur cet objet. C’était un vase destiné à puiser l’eau ; il tire son nom du grec hydria, parce que dans cette langue le mot udor signifie eau ; c’est donc comme si l’on disait : réservoir d’eau. Elle laisse là sa cruche qui, loin de lui être utile, devient pour elle un fardeau ; car elle n’a plus qu’un désir, celui de boire à longs traits l’eau dont lui a parlé le Christ. Pour annoncer le Christ, elle se débarrasse donc de son fardeau ; « elle court à la ville et dit aux habitants : Venez et voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ». Elle ne parle qu’avec mesure, de peur d’exciter leur colère et leur indignation et d’être persécutée : « Venez et voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. N’est-il point le Christ ? Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui ».
31. « Cependant ses disciples le priaient, disant : Maître, mangez ». Car ils étaient allés acheter des vivres, et ils étaient revenus. « Mais il leur dit : J’ai à prendre une nourriture que vous ne connaissez pas. Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu’un lui a-t-il apporté à manger ? » Y a-t-il rien d’étonnant à ce que cette femme n’ait pas compris de quelle eau il s’agissait, quand les disciples eux-mêmes ne comprenaient pas de quelle nourriture le Sauveur leur parlait ? Pour lui, il a connu leurs pensées et il les instruit comme leur maître, non par une voie détournée, ainsi qu’il avait fait avec cette femme dont il voulait entretenir le mari, mais directement. « Ma nourriture », leur dit-il, « est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Il lui disait donc : « J’ai soif, donnez-moi à boire », pour établir la foi en elle et s’en faire un breuvage, et par la foi faire d’elle un membre de son corps. Car le corps de Jésus-Christ, c’est l’Église. Aussi dit-il : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ».
32. « Vous autres, ne dites-vous pas qu’il y a encore quatre mois et la moisson viendra ? » Il s’échauffait à son œuvre et se disposait à envoyer des ouvriers à la moisson, Vous autres, vous comptez quatre mois jusqu’à la moisson, moi je vous en montre une qui a déjà blanchi et qui est toute prête. « Et moi, je vous, dis : Levez les yeux et voyez, les campagnes sont déjà blanches pour la moisson ». Donc il enverra des moissonneurs, «

  1. 1 Cor. 11, 3