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VINGT-TROISIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE L’ÉVANGILE : « SI JE RENDS TÉMOIGNAGE DE MOI », JUSQU’À CES AUTRES : « ET VOUS NE VOULEZ PAS VENIR À MOI, AFIN D’AVOIR LA VIE ». DANS CE TRAITÉ, IL EST ENCORE QUESTION DES PASSAGES DÉJÀ EXPLIQUÉS PRÉCÉDEMMENT, À PARTIR DE CELUI-CI : « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MÊME, ETC. » (Chap. 5,19-40.)

LES ŒUVRES DU CHRIST.

Moïse, saint Jean, les Prophètes, les Apôtres, n’étaient pas la véritable lumière, ils n’étaient que des lampes ; leur témoignage en faveur du Christ avait donc moins de prix que celui du Christ lui-même et de ses œuvres. Les âmes trouvent leur vie uniquement en Dieu ; le Père les crée et les fait sortir du tombeau du péché par le Fils, car il lui montre ce qu’il doit faire, le Fils le voit ; de cette démonstration du Père et de cette intuition du Fils, qui n’ont aucune analogie avec une démonstration et une intuition humaines, résultent la création et la résurrection des âmes. Comme Dieu, le Christ produit donc, dans le domaine des âmes, d’admirables opérations : comme homme, il ressuscitera les corps, et, en ce pouvoir, il puise un droit imprescriptible à notre foi et à notre respect.

1. Si nous suivons le conseil que le Sauveur nous donne en un certain endroit de l’Évangile, nous comparerons l’homme, qui écoute sa parole avec soin, au constructeur prudent d’une maison : ce constructeur creuse des fondations assez profondes pour asseoir les murs sur une base solide, sur la pierre, et les rendre capables de résister à la violence des eaux du torrent : par là, au lieu d’être miné et renversé par l’inondation, l’édifice se trouve solide au point de briser les flots qui l’assaillent [1]. Considérons les divines Écritures comme un terrain où nous voulons construire un édifice ; n’épargnons pas nos peines ; ne nous arrêtons pas à la surface, creusons assez profondément pour rencontrer la pierre. « Mais la pierre était le Christ [2] ».

2. Le passage que nous venons de lire a trait au témoignage que le Sauveur se rend à lui-même. Il n’a pas besoin que les hommes rendent témoignage en sa faveur, car les preuves de sa divinité lui viennent de plus haut. En quoi consistent-elles ? Le voici : « Les œuvres que je fais », dit-il, « rendent témoignage de moi » ; puis il ajoute : « Et le Père, qui m’a envoyé, me rend aussi témoignage ». Quant à ses œuvres elles-mêmes, il reconnaît avoir reçu de son Père le pouvoir de les faire. Elles lui rendent donc témoignage, et il en est de même de son Père. Mais saint Jean ne lui en a-t-il rendu aucun ? Pardon. Mais il était comme une lampe destinée plutôt à couvrir de confusion les ennemis du Seigneur Jésus, qu’à réjouir les yeux de ses amis ; car le Père éternel avait déjà dit auparavant par la bouche d’un Prophète : « J’ai préparé une lampe à mon Christ ; je couvrirai ses ennemis d’un vêtement de confusion ; mais sur lui resplendira l’éclat de ma sainteté [3] ». Supposons donc que tu es enveloppé de profondes ténèbres : tu aperçois cette lampe ; sa lumière te jette dans l’admiration ; à sa vue, la joie s’empare de ton âme ; mais cette lampe t’avertit de l’existence d’un soleil, en présence duquel tu devras tressaillir. Sans doute, elle brille au milieu des ombres de la nuit, mais elle te recommande d’attendre le jour, Il est donc impossible de dire que le témoignage de cet homme était inutile ; car, s’il en eût été ainsi, pourquoi l’envoyer et lui confier une mission ? Toutefois, afin que personne ne se contente de la lumière de cette lampe, et ne la croie suffisante, le Sauveur ne nous en parle ni de façon à nous la faire regarder comme inutile, ni de manière à ce que nous nous en contentions. La sainte Écriture fait allusion à un autre témoignage : elle nous dit positivement ici que Dieu lui-même a rendu témoignage à son Fils ; et les Juifs avaient placé leur espérance dans cette Écriture, c’est-à-dire dans la loi que Dieu leur avait donnée par le ministère de Moïse, son serviteur. « Examinez à fond le sens de l’Écriture »,

  1. Mat. 7, 24-25
  2. 1Co. 10, 4
  3. Psa. 131, 17-18