Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/512

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à une âme faible, une âme sainte ne peut pas la rendre heureuse ; il en est ainsi encore de l’ange par rapport à une âme juste ; la première doit donc aller puiser sa joie à la même source que la seconde, tu ne peux devenir heureux par ton union avec un ange ; vous le serez l’un et l’autre par votre union avec Dieu.
6. De ces notions préliminaires, solidement établies, il résulte que l’âme raisonnable trouve en Dieu seul son bonheur, comme le corps ne tire que de l’âme sa propre vie : et, ainsi, l’âme sert comme d’intermédiaire entre Dieu et le corps. Veuillez me prêter votre attention et vous rappeler avec moi, non pas la leçon d’aujourd’hui, que nous avons suffisamment expliquée, mais celle d’hier, qui nous occupe, que nous examinons et creusons depuis trois jours, afin d’arriver jusqu’à la pierre. Le Christ était le Verbe, le Christ-Verbe de Dieu était en Dieu, le Christ-Verbe était Dieu-Verbe, le Christ Dieu et Verbe était un seul Dieu. Elève-toi jusque-là, âme de l’homme : détourne tes regards de toutes les créatures, prends ton vol, dépasse-les, élève-toi jusqu’à ces sublimes hauteurs. Y a-t-il rien au monde d’aussi puissant que cette créature à laquelle on donne le nom d’âme raisonnable ? Y a-t-il rien d’aussi grand ? Non, rien n’est au-dessus d’elle, si ce n’est le Créateur lui-même. Je le disais donc : le Christ est le Verbe, le Verbe de Dieu, le Dieu-Verbe ; mais il n’est pas seulement Verbe, car « le Verbe s’est fait chair, et il a, habité parmi nous [1] ». Il est donc aussi, et par conséquent, Verbe et homme tout ensemble : car, « ayant la nature de Dieu, il n’a point cru que ce fût de sa part une usurpation de s’égaler à Dieu ». Notre faiblesse nous forçait de ramper à terre : elle nous empêchait de nous élever jusqu’à Dieu ; mais nous a-t-il abandonnés en cet état de bassesse et d’infirmité ? Oh non ! car « Il s’est anéanti lui-même, en prenant la forme d’esclave [2] ». Il ne s’est nullement dépouillé de la nature divine. Tout Dieu qu’il était, il s’est fait homme, prenant ce qu’il n’était pas, ne perdant point ce qu’il était : en un mot, il est devenu homme-Dieu. En lui se rencontre ce qui convient à la partie faible de toi-même, comme à la partie la plus noble. Que le Christ, en tant qu’homme, te relève du sein de ta faiblesse ; qu’il te conduise, en tant que Dieu-homme, et que comme Dieu il te fasse parvenir jusqu’à lui ! La fin, l’unique fin de la prédication évangélique, et de la dispensation des grâces divines par les mérites du Christ, c’est la résurrection des âmes et celle des corps Le corps et l’âme de l’homme étaient également morts, l’un par suite de sa faiblesse, l’autre par l’effet du péché. Puisque tous les deux étaient morts, ils doivent donc ressusciter aussi tous les deux. Qu’est-ce à dire : Tous les deux ? L’âme et le corps. Mais qu’est-ce qui ramènera l’âme à la vie, si ce n’est le Christ-Dieu ? Où le corps retrouvera-t-il le principe de son existence, sinon dans le Christ-homme ? Dans le Christ il y avait une âme, mais une âme dans son entier : non seulement le principe purement animal de la vie, mais encore ce principe capable de raisonner, auquel on donne le nom d’intelligence. Certains hérétiques d’autrefois se sont vus chassés de l’Église pour avoir pensé qu’au lieu d’être animé par un esprit raisonnable, le corps du Christ l’était seulement par un principe de vie pareil à celui des bêtes ; car privez l’homme de son intelligence, 2 ne lui reste plus que ce principe. Ils ont donc été retranchés du corps de l’Église, et cela par la force même de la vérité : de là, tu dois conclure que le Christ est parfait, c’est-à-dire qu’il se compose du Verbe, d’une âme raisonnable et d’un corps : cet ensemble forme le Christ, Que ton âme sorte donc du tombeau du péché, par cela même que ton sauveur est Dieu ; que ton corps s’échappe des étreintes de la corruption, par cela qu’il est homme. Aussi, mes bien chers frères, considérez autant que je puis vous la découvrir l’étonnante profondeur du mystère contenu dans les paroles de cette leçon : voyez de quel sujet le Christ nous y entretient ; il nous y apprend qu’il est venu en ce monde uniquement pour délivrer les âmes de la mort du péché et les corps de la corruption. Je l’ai déjà dit : les âmes reviennent à la vie de la grâce, en entrant en participation de la substance de Dieu ; et les corps trouvent le principe de leur résurrection dans l’incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
7. « En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ; quelque chose que

  1. Jn. 10, 14
  2. Phil. 2, 6, 7