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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/616

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Dieu. Ceux à qui s’adressait Notre-Seigneur Jésus-Christ, étaient Juifs : la plupart d’entre eux étaient les ennemis déclarés du Sauveur ; d’autres, en certain nombre, étaient devenus déjà ou devaient plus tard devenir ses amis : il en voyait dans la foule qui devaient, comme nous l’avons dit précédemment, croire en lui après sa mort. En reposant sur eux ses regards, il avait dit : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que je suis [1] ». Comme il disait ces choses, il y en eut pour croire immédiatement en lui. C’est à eux qu’il adressa les paroles dont on vous a fait lecture aujourd’hui. « Jésus disait donc aux Juifs qui avaient cru en lui : si vous persévérez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples ». Vous serez mes disciples en persévérant : maintenant vous croyez ; en persévérant dans votre foi, vous verrez plus tard. Aussi ajoute-t-il : « et vous connaîtrez la vérité ». La vérité est immuable. La vérité est une sorte de pain elle ranime les âmes et n’est jamais elle-même exposée à défaillir : celui qui en fait sa nourriture est changé par elle, mars il ne la change pas en lui-même. La Vérité n’est autre que le Verbe de Dieu, Dieu en Dieu, Fils unique de Dieu. Cette Vérité s’est faite homme à cause de nous, et elle est née de la Vierge Marie, en sorte que cette prophétie : « La Vérité est sortie du sein de la terre[2] », a reçu son accomplissement. Pendant qu’elle conversait avec les Juifs, cette Vérité se cachait donc sous le voile de la chair : elle s’y cachait, non pour être méconnue, mais pour ne pas se montrer immédiatement : elle se dérobait pour un temps aux regards des hommes, pour souffrir dans son corps ; et elle voulait souffrir dans sa chair, pour racheter la chair de péché. Facile à voir selon l’infirmité de sa nature humaine, caché aux yeux de ses auditeurs, quant à la grandeur de sa divinité, Notre-Seigneur Jésus-Christ se tenait donc au milieu d’eux, et s’adressant à ceux qui avaient cru en lui pendant qu’il parlait, il leur dit : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples » ; car celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, sera sauvé[3]. « Et vous connaîtrez la vérité », que vous n’apercevez pas maintenant et qui vous parle, « et la vérité vous délivrera ». Cette parole : « Vous délivrera », le Sauveur l’a employée comme un dérivé de liberté. Délivrer ne signifie effectivement rien autre chose que rendre libre. De même, sauver ne veut pas dire autre chose que rendre sauf, comme guérir n’a pas d’autre signification que celle d’opérer la guérison, comme enrichir ne veut dire que ceci : faire riche ou donner des richesses. Délivrer signifie donc rendre libre. En grec, c’est plus évident qu’en latin. En effet, selon le génie de la langue latine, nous avons presque toujours l’habitude de dire qu’un homme a été délivré, non pour faire entendre qu’il a été rendu à la liberté, mais uniquement pour affirmer qu’il a été sauvé : ainsi, on dit de quelqu’un qu’il a été délivré d’une maladie : cette manière de s’exprimer est conforme à l’usage, mais elle n’est pas d’accord avec la propriété des termes. Si le Sauveur a employé ces expressions : « Et la Vérité vous délivrera », elles sont telles, dans la langue grecque, que tous doivent, sans hésitation, les entendre dans le sens de la liberté.
2. Les Juifs eux-mêmes, non pas ceux qui avaient déjà cru, mais ceux de l’assemblée qui ne croyaient pas encore, les comprirent en ce sens, et lui répondirent : « Nous sommes la race d’Abraham, et jamais nous n’avons été les esclaves de personne. Comment dis-tu : Vous serez libres ? » Le Seigneur n’avait pas dit : Vous serez libres ; mais : « La Vérité vous délivrera », expression où les Juifs ne virent que la liberté, comme l’indique clairement le texte grec, ainsi que je vous l’ai fait observer. Fiers alors d’être les descendants d’Abraham, ils reprirent : « Nous sommes la race d’Abraham, et jamais nous n’avons été les esclaves de personne. Comment dis-tu : Vous serez libres ? » O peau soufflée ! ce n’est point là de la grandeur, c’est de l’enflure. Ce que vous dites est-il vrai, même par rapport à la liberté dont on peut jouir en ce monde ? « Nous n’avons jamais été les a esclaves de personne ? » Joseph n’a-t-il pas été vendu [4] ? N’a-t-on pas conduit en captivité les saints Prophètes[5] ? N’est-ce pas ce même peuple qui, en Égypte, faisait des briques, subissait le dur joug des rois de ce pays, se livrait pour eux, non seulement à des ouvrages d’or et d’argent, mais encore à des ouvrages de terre[6] ? Si jamais vous n’avez été esclaves, pourquoi, hommes ingrats, pourquoi

  1. Jn. 8, 28
  2. Ps. 84, 12
  3. Mt. 10, 22
  4. Gen. 37, 28
  5. 2 R. 24,1 et suiv.
  6. Ex. 10, 1, 14