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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/660

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le corps quitte donc son âme en expirant. Considère le Sauveur sur la croix ; il dit : « J’ai soif » ; ceux qui l’environnaient trempèrent une éponge dans le vinaigre, l’attachèrent à un roseau, et l’approchèrent de ses lèvres : lorsqu’il en eut goûté, il s’écria « C’est fini ». Qu’est-ce à dire : « C’est fini ? » J’ai accompli tout ce que les Prophètes avaient annoncé comme devant avoir lieu avant ma mort. Il avait le pouvoir de quitter son âme quand il le voudrait ; aussi, après avoir rapporté ces paroles de Jésus-Christ « C’est fini », que dit l’Évangéliste ? « Et ayant baissé la tête, il rendit l’esprit [1] ». C’est là quitter son âme. Que votre charité veuille faire attention à ce passage : « Ayant baissé la tête, il rendit l’esprit ». Qui est-ce qui rendit l’esprit ? quel esprit fut rendu ? Il rendit l’esprit : ce fut le corps qui le rendit. Qu’est-ce à dire : Le corps rendit l’esprit ? Le corps le chassa hors de lui, il l’expira ; car le mot expirer veut dire : mettre son esprit hors du corps. Comme le mot exiler signifie mettre un homme dehors et le forcer à rester seul ; comme exorbiter signifie : exclure de l’orbite ; ainsi, expirer veut dire chasser l’esprit ; cet esprit, c’est l’âme. Au moment donc où l’âme sort du corps, et que le corps se trouve être sans âme, alors, d’après la manière habituelle de parler, l’homme quitte son âme. À quel instant le Christ a-t-il quitté son âme ? Quand le Verbe y a consenti. L’autorité suprême se trouvait dans le Verbe : à lui appartenait de désigner l’heure où il quitterait son âme, et l’heure où il la reprendrait.
12. Puisque c’est le corps qui quitte l’âme, comment le Christ a-t-il quitté la sienne ? Le Christ n’était-il pas corps ? Oui, il l’était ; car il était corps, âme et Verbe tout ensemble ; et le corps, l’âme, le Verbe, ne formaient pas trois Christs, mais un seul Christ. Examine l’homme, fais de toi-même comme un gradin pour t’élever jusqu’à ce qui est au-dessus de toi, sinon pour le comprendre, du moins pour le croire. De même que l’âme et le corps ne forment qu’un seul homme, ainsi le Verbe et l’homme ne forment qu’un seul Christ. Remarquez ce que j’ai dit, et comprenez-moi. L’âme et le corps sont deux choses bien distinctes, et, pourtant, leur réunion ne fait qu’un seul homme. À leur tour, le Verbe et l’homme sont bien différents l’un de l’autre ; néanmoins, ils ne font ensemble qu’un seul Christ. Prenons un homme pour exemple. Où se trouve maintenant l’apôtre Paul ? Celui qui me répond : Il repose dans le Christ, dit vrai ; et celui qui me répond : Il est à Rome, dans un tombeau, ne se trompe pas : celui-là me parle de son âme, celui-ci de son corps. Toutefois, nous ne prétendons pas qu’il y ait deux apôtres Paul, dont l’un repose dans le Christ et l’autre dans le sépulcre ; et, pourtant, nous disons que l’apôtre Paul vit dans le Christ, et que le même apôtre Paul est étendu mort dans un tombeau. Que quelqu’un vienne à mourir, nous disons : C’était un homme bon, un homme exact à ses devoirs ; il est, avec le Christ, dans le séjour de la paix ; et presque en même temps nous ajoutons : Allons à son convoi, et mettons-le en terre. Tu vas enterrer celui que tu avais d’abord affirmé se trouver dans la paix avec Dieu : bien que son âme, qui vit pour les siècles, soit toute différente du corps, que la corruption dévore dans le sépulcre. Mais de ce que la réunion du corps et de l’âme porte le nom d’homme, l’une et l’autre de ces parties appartiennent même séparément à la personnalité de l’homme, et porte son nom.
13. Aucun ne doit donc chanceler en entendant ces paroles sortir de la bouche du Sauveur : « Je quitte mon âme, et je la reprends ». C’est son corps qui la quitte par un effet de la puissance du Verbe ; et il la reprend, toujours en vertu de la même puissance. Le corps même seul du Sauveur a reçu et porte le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ.— Comment le prouves-tu, me dit quelqu’un ? Oui, j’ose le dire, le corps même seul du Sauveur porte le nom du Christ. Nous croyons avec certitude, non seulement en Dieu le Père, mais aussi en son Fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ ; en disant : son Fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, j’ai parlé de sa personne tout entière. Comprends le bien, il est question de lui dans son entier, c’est-à-dire comme Verbe, comme âme et comme corps. Il est évident que la confession embrasse toutes les vérités reconnues par la foi catholique ; tu crois en ce Christ qui a été crucifié et enseveli. Par conséquent, tu ne mes pas que le Christ ait été enseveli, et, pourtant, son corps seul a été mis dans un sépulcre. Si son âme s’y était trouvée enfermée, il n’aurait pu dire qu’il était mort, et

  1. Jn. 19, 18-30