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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/724

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mais ne devaient ressusciter qu’à la fin du monde ? Enfin, comment auraient-ils suivi leur Maître jusque dans le sein du Père ? Leur Maître allait retourner dans le sein de son Père sans les abandonner, comme il était venu à eux sans en sortir ; comment l’auraient-ils suivi jusque-là, puisque personne n’est admis dans ce séjour de la félicité, s’il n’est d’abord consommé en charité ? Aussi c’est pour leur apprendre comment ils pouvaient se mettre en état de le suivre où il les précédait, qu’il leur dit : « Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres [1] ». Voilà sur quelles traces il faut marcher pour suivre Jésus-Christ. Mais il faut remettre à un autre temps d’en parler plus au long.

SOIXANTE-CINQUIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « JE VOUS DONNE, UN COMMANDEMENT NOUVEAU, DE VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES, COMME JE VOUS AI AIMÉS, AFIN QUE VOUS AUSSI VOUS VOUS AIMIEZ LES UNS LES AUTRES. C’EST EN CELA QUE TOUS CONNAÎTRONT QUE VOUS ÊTES MES DISCIPLES, SI VOUS AVEZ DE L’AMOUR LES UNS POUR LES AUTRES ». (Chap. 13, 34-35.)

LE COMMANDEMENT NOUVEAU.

Jésus donne à ses Apôtres un commandement nouveau, celui de s’aimer d’un amour pur, spirituel, pour Dieu, et, par là même, d’aimer Dieu : ce doit être le signe particulier auquel on les reconnaîtra pour ses disciples.


1. Le Seigneur Jésus assure qu’il donne à ses disciples un commandement nouveau, lorsqu’il leur dit de s’aimer les uns les autres. « Je vous donne », dit-il, « un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres ». Cependant le commandement n’existait-il pas déjà dans l’ancienne loi, où il est écrit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même [2] ? » Pourquoi donc Notre-Seigneur appelle-t-il nouveau un commandement qui nous paraît si ancien ? Ce commandement est-il nouveau, parce qu’il nous dépouille du vieil homme pour nous revêtir de l’homme nouveau ? Car il renouvelle celui qui l’écoute, ou plutôt celui qui l’observe. Mais il ne s’agit pas ici de toute espèce d’amour, il y est question de celui que Notre-Seigneur distingue de l’amour charnel, quand il ajoute : « Comme je vous ai aimés ». Car les maris et les femmes, les parents et les enfants, et tous ceux qui sont unis entre eux par quelque lien, s’aiment les uns les autres. Ne parlons pas de l’amour coupable et damnable qui unit entre eux les adultères, les hommes débauchés et les femmes de mauvaise vie, et tous ceux qui sont liés, non par les nœuds de la parenté, mais par une passion impudique et déréglée. Jésus-Christ nous a donc donné un commandement nouveau, celui de nous aimer les uns les autres, comme il nous a aimés lui-même. Cet amour nous renouvelle, fait de nous des hommes nouveaux, héritiers du Nouveau Testament et dignes de chanter le cantique nouveau. C’est ce même amour, mes très chers frères, qui a renouvelé les Justes de l’Ancien Testament, les Patriarches et les Prophètes, comme dans la suite il a renouvelé les bienheureux Apôtres ; c’est encore lui qui maintenant renouvelle les nations et qui, de tout le genre humain répandu par tout l’univers, ne forme qu’un seul peuple, qui est le corps de cette nouvelle Epouse du Fils unique dont il est dit au Cantique des cantiques :

  1. Jn. 13, 34
  2. Lev. 19, 18