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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/75

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Seigneur Jésus-Christ a voulu être pour nous une nourriture, et qu’à sa naissance il fut mis dans une crèche : « Le bœuf connaît son maître, et l’âne l’étable de son possesseur ». Mais comment trouver un tel sens, sinon en secouant l’enveloppe ? Si l’on n’agitait avec soin ces prophéties, pourrait-on en découvrir les mystères ? Le Seigneur est donc venu pour secouer ces énigmes, pour nous en montrer le sens ; il a secoué les Prophètes qui ont engendré les Apôtres ; et parce que les Apôtres sont issus des Prophètes qui étaient secoués, on les appelle fils de ceux que l’on a secoués. Placés comme des flèches dans la main d’un homme puissant, ils sont arrivés jusqu’aux confins de la terre. De là cette Parole à la fin des temps : « Des enfants, voilà l’héritage du Seigneur, la récompense sera pour le fruit des entrailles ». Et comme cet héritage est recueilli de tous les confins de la terre, comme les enfants de ceux que l’on a secoués ressemblent à des flèches dans la main d’un homme puissant, les fils des Prophètes, ou les Apôtres, ont été comme des flèches dans la main de Dieu. S’il est puissant, il secoue avec force ; s’il secoue avec force, il envoie jusqu’aux confins de la terre ceux qu’il lui plaît de lancer.
12. « Bienheureux l’homme qui, par eux, remplit ses désirs[1] ». Quel est, mes frères, cet homme qui remplit ainsi ses désirs ? Celui qui n’alune point le monde. Quiconque est absorbé par l’amour du monde, ne trouve aucune place pour la parole de ces prédicateurs. Répands ce qui t’absorbe, et tu deviendras capable de recevoir ce qui te manque. C’est-à-dire, est-ce la richesse que tu convoites ? Tu ne pourras, par eux, remplir tes désirs. Tu veux les honneurs sur la terre, tu veux même ce que Dieu a donné aux bestiaux, c’est-à-dire le plaisir qui passe, la santé du corps, et autres biens semblables ; par eux tu ne combleras point tes désirs. Mais si tu as des désirs, comme ceux du cerf altéré qui brame après l’eau des fontaines[2] ; si tu dis, toi aussi : « Mon âme aspire après les parvis du Seigneur, elle languit de désir[3] » ; ton désir sera comblé, non que ces mêmes saints puissent dès aujourd’hui rassasier ta soif, mais en suivant leurs traces, tu arriveras à celui qui a comblé leurs désirs.
13. « Il ne sera point confondu quand il parlera à ses ennemis à la porte[4] ». Mes frères, parlons à la porte, c’est-à-dire, que tous comprennent nos paroles. Quiconque ne veut point parler à la porte, veut cacher sa parole, et souvent la veut cacher parce qu’elle est mauvaise. S’il a confiance dans ce qu’il dit, qu’il le dise à la porte ; ainsi qu’il est écrit de la Sagesse : « Elle parle hardiment aux portes de la cité[5] ». Tant que des hommes innocents conservent la justice, ils ne craignent point de parler ; c’est là parler à la porte, publiquement. Or, qui est-ce qui prêche à la porte ? Celui qui prêche en Jésus-Christ, puisque le Christ est la porte par laquelle nous entrons dans la cité. Qu’on m’accuse de mensonge, s’il n’a pas dit : « Je suis l’entrée[6] ». Si donc il est l’entrée, il est la porte. Car l’entrée se dit d’une maison, et l’entrée d’une cité en est la porte, comme l’entrée d’une maison en est la porte. À moins peut-être que le mot porte ne soit impropre, et que l’on ne puisse pas appeler ville ce qui est appelé aussi une maison. Mais nous avons employé ces deux termes tout à l’heure : « Si le Seigneur ne construit une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent » ; et pour que tu ne regardes pas cette maison comme peu importante, le Prophète ajoute : « Si le Seigneur ne garde une cité, c’est en vain que veilleront ses gardiens ». Donc la maison est encore la cité. Comme maison elle a donc une entrée ; et une porte comme cité. Celui-là dès lors est la porte de la cité, qui est l’entrée de la maison. Donc, si le Christ est la porte de la cité, celui qui demeure ferme en Jésus-Christ, et qui ensuite parle aux hommes, n’a point à rougir ; quant à l’homme qui parle contre le Christ, la porte lui est fermée. Quels sont les hommes qui prêchent contre le Christ ? Ceux qui nient que le Tout-Puissant ait lancé ses flèches, et qu’elles soient arrivées jusqu’aux confins de la terre ; et que l’héritage du Seigneur soit celui dont il est dit : « Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et les confins de la terre pour ta possession[7] ». Voilà ce qui a été prêché, entendu avant l’événement, et quand il est accompli on ne veut point le reconnaître. Ceux qui disputent contre le Christ sont hors de la porte, parce qu’ils recherchent les honneurs pour eux, non pour le Christ. Mais l’homme qui prêche à la porte

  1. Ps. 126,5
  2. Id. 51,2
  3. Id. 83,3
  4. Ps. 126,5
  5. Prov. 8,3
  6. Jn. 10,9
  7. Ps. 2,8