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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/15

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chair que vous êtes venu et que vous êtes retourné, c’est par elle, assurément, non seulement que vous êtes pour nous la voie par laquelle nous viendrons à vous, mais que pour vous-même vous avez été la voie par laquelle vous êtes venu et retourné. Mais comme vous êtes allé à la vie, que vous êtes vous-même la vie, vous avez conduit de la mort à la vie cette même chair qui était la vôtre. En effet, autre chose est le Verbe de Dieu, autre chose est l’homme. Mais le Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire homme. C’est pourquoi autre n’est pas la personne du Verbe, autre la personne de l’homme ; car l’un et l’autre forment Jésus-Christ, qui est une seule personne ; par là, de même que quand en lui la chair est morte, Jésus-Christ est mort, et que quand la chair a été ensevelie, Jésus-Christ a été enseveli (c’est ainsi, en effet, que nous le croyons de cœur pour être justifiés, et que nous le confessons de bouche pour être sauvés[1]) ; de même, quand la chair est passée de la mort à la vie, Jésus-Christ est revenu à la vie. Comme d’ailleurs Jésus-Christ est le Verbe de Dieu, il est la vie. Ainsi est revenu à lui-même, d’une façon admirable et incompréhensible, celui qui ne s’était ni quitté ni perdu lui-même. Par sa chair, comme il a été dit, Dieu était venu vers les hommes, et la vérité vers les menteurs : car Dieu est vérité, et tout homme est menteur[2]. Lors donc qu’il enleva du milieu des hommes et qu’il éleva sa chair jusqu’au séjour où personne ne ment ; lui-même, puisque le Verbe s’est fait chair par lui-même, c’est-à-dire par sa chair, il est revenu vers la vérité qui est lui-même. Toutefois se trouvant au milieu des menteurs, il garda cette vérité jusque dans les bras de la mort : Jésus-Christ a été en effet mort pendant quelque temps, mais il n’a jamais été séparé de la vérité.

4. Écoutez une comparaison bien éloignée et bien disproportionnée ; mais telle qu’elle est elle servira à vous faire comprendre Dieu, bien qu’elle soit tirée des choses placées immédiatement au-dessous de Dieu. Me voici moi-même, quant à ce qui regarde mon esprit, je suis ce que vous êtes vous-mêmes. Si je me tais, je suis en moi-même : si je vous dis une chose que vous comprenez, je m’avance en quelque sorte vers vous, et je ne me quitte pas moi-même ; mais je m’approche de vous et je ne m’éloigne pas du lieu d’où je viens. Que si ensuite je garde le silence, je reviens d’une certaine façon à moi-même, et en quelque manière je reste avec vous, si vous retenez ce que vous m’avez entendu dire. Mais s’il peut en être ainsi de l’image que Dieu a faite, pourquoi n’en serait-il pas de même de cette image qui n’a pas été faite par Dieu, mais qui, étant l’image de Dieu et Dieu elle-même, est née de Dieu, de cette image dont le corps, par le moyen duquel il est venu à nous, et dans lequel il s’est éloigné de nous, n’est pas comme le son passager sorti de ma bouche, mais demeure où il ne mourra plus, et où la mort n’aura plus d’empire sur lui[3] ? On pourrait et l’on devrait peut-être dire bien d’autres choses sur ces paroles de l’Évangile. Mais il ne faut pas surcharger vos cœurs d’aliments spirituels, si agréables qu’ils vous paraissent ; car si l’esprit est prompt, la chair est faible[4].

  1. Rom. 10, 10
  2. Id. 3, 4
  3. Rom. 6, 9
  4. Mat. 26, 41